Un licenciement, une rupture conjugale, et voilà le cadre Berthier tutoyant la clochardisation. Quoique conventionnelle, cette descente aux enfers, qui fait en moins de temps qu'on ne croit d'un bourgeois un SDF, est habilement démontrée. Evidemment, Gérard Jugnot tire de cette situation extrême une comédie, mais une comédie dont la dérision n'enlève rien à l'attachement et à l'estime que l'auteur porte à ses personnages déchus -ceux que ses tribulations conduisent Berthier à rencontrer- à l'empathie qu'il exprime à l'égard de l'exclusion en général, tout en délivrant quelques vérités sur le monde du travail.
"Une époque formidable" n'a pas, concernant les exclus, les prétentions et les intentions d'une étude de moeurs réaliste mais le fond dramatique qui est celui du film, où se mêlent l'amertume et la plaisanterie, semble avoir pour effet de structurer mieux des personnages et une comédie qui, dès lors, nous parait la plus aboutie depuis "Pinot, simple flic", dont le decor social, déjà, n'était pas sans une certaine noirceur.
Gerard Jugnot, dans son rôle récurrent de français moyen pas très chanceux, s'est en outre entouré d'un groupe de comédiens intéressants, parmi lesquels Richard Bohringer et la révélation Ticky Holgado. Berthier et ses compagnons de galère se livrent dans le métro, dans la rue, aux 400 coups de la "cloche", au système D des laissés pour compte. Ce microcosme social, rarement exploré, introduit ici des situations cocasses autant que sensibles.