Ne connaissant le cinéma de Bresson que de nom, j'ai profité de la ressortie en version restaurée d'"une femme douce", film de 1969, pour découvrir ce réalisateur. Adapté d'une nouvelle de Dostoïevsky, le film débute par un suicide, celui d'une jeune femme (la formidable Dominique Sanda) ayant sauté depuis le balcon de l'appartement qu'elle partage avec son mari (Guy Frangin, inconnu pour moi), prêteur sur gages. Devant le corps inanimée de son épouse, il va revivre le passé et s'interroger sur leur relation et la nature des sentiments qui les ont liés (si sentiments il y a eus). La femme n'est pas nommée. L'homme non plus.
La première et la dernière scène du suicide est très réussie. Une table qui bascule, un châle qui s'envole, le traitement de la scène grave est tout en légèreté. Mais la légèreté s'arrête là. Hormis quelques belles scènes comme celle du cinéma où la femme se fait discrètement accoster par un homme, d'où s'ensuit un échange de regards entre le mari, la femme et cet homme, tout n'est que tristesse et désolation. La jeune femme, de milieu extrêmement modeste, saisit la possibilité de se marier face aux insistances de l'homme pour s'extraire de son milieu mais ce n'est que pour accéder à un monde, certes plus matériel, mais fait de silences, de froideur. Le début de leur relation n'est pas d'un franc romantisme, la suite l'est encore bien moins. Les relations entre les personnages semblent réduits au plus simple minimalisme, l'ennui gagne puis la déprime et même un certain sentiment de claustrophobie à force d'errer dans cet appartement d'où l'on souhaite à tout prix s'extraire.
Dommage car la réalisation est précise, soignée, les cadres sont étudiés, les attitudes, les gestes des personnages, jusqu'aux vêtements. L'atmosphère des années 60, les rues, la circulation, baignent le film et nous plongent dans l'époque. Un film de très bonne facture, c'est indéniable, mais quelle idée de vouloir raconter une histoire pareille !
L'image finale du cercueil que l'on visse a terminé de m'immerger dans la déprime et m'a laissée dans un état de mélancolie avancée, à la Baudelaire ("quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis"…). Un petit air frais m'a saisie à la sortie du cinéma. Ouf, j'étais encore en vie.