Inculte que je suis, c’est mon premier Malick. Et d’après ce que j’ai pu voir et lire ici et là, il ne s’agit pas de son film le moins accessible. Donc pas sur que je me penche tout de suite sur le reste de sa filmo plus expérimentale car ce spectacle a été pour moi exigeant. Reste que j’ai énormément apprécié le contraste entre le fond et la forme de ce métrage et que je ne regrette pas de l’avoir vu en salle. Bien au contraire, il faut le voir en salle!
Sur la forme, une nature autrichienne sublimée, voire iconisée par des plans « carte postale », qui tranchent avec un style immersif qui colle au contexte social des personnages et à leurs émotions. Même style dans les scènes de captivité, ou pour le coup le décor est nettement moins beau. On colle aux personnages, en courte focale, avec un caméra mouvante, tout en s’accordant de gracieux instants de contemplations.
Une mise en scène très riche, virevoltante, sinueuse, qui tranche avec la rectitude morale de notre objecteur de conscience, qui durant 3h de film n’en démordra pas : il est convaincu en son for intérieur. Seuls les plans sur le visage d’August Diehl pourront laisser transparaître un cheminement émotionnel (il aura même des occasions de rire avec un co-détenu), mais qui jamais n’entamera sa certitude quant à ce qui est juste. Ni la pression sociale, la morale patriotique, la justice, la violence, l’autorité des hommes et même l'amour de sa famille n’auront raison de son intransigeance.
La foi est par contre omniprésente, mais ici pas contradictoire avec le libre arbitre. Les dépositaires de l’autorité de Dieu succombent eux aussi à un cynique principe de réalité et c’est la liberté du personnage vis-à-vis des messages christiques qui va le mener au bout de son destin de héros anonyme (enfin plus maintenant).
Nous avons donc ici une figure de l'impératif catégorique kantien, qui va placer son idée de la morale, du sacré, au dessus de son propre bonheur. Mais là où l'on pourrait questionner cette vision en la considérant comme nihiliste et pas totalement désintéressée, Malick s'attache à montrer qu'elle participe au contraire d'un niveau élevé d'affirmation. C'est parce que prêter allégeance lui est insupportable ici et maintenant que Franz ira au bout de son choix, et non pour s'acheter une place au sein d'un arrière-monde cotonneux.