Dans une œuvre terrassante de beauté, Terrence Malick narre le destin tragique de Franz Jägerstätter, un paysan Autrichien dont l’obstination et la constance à refuser toute allégeance au régime nazi l’auront conduit à une mort inéluctable. La radicalité de son choix, la fidélité à ses convictions et sa foi inébranlable ne l’auront jamais fait dévier.
Malick raconte son histoire, de sa vie paisible et idéale dans sa ferme en haut des montagnes avec sa femme et ses enfants aux conséquences dramatiques de son acte de résistance. Pour lui évidemment, mais aussi pour ces proches qui doivent subir la colère et la haine de voisins prompts à condamner ce qu’ils considèrent comme une trahison au pays.
Alors qu’il réalisait minutieusement un film tous les dix ans au début de sa carrière, Malick a subitement accéléré le rythme de ses productions dans les années 2010, livrant quasiment un film par an, mais perdant au passage une grande partie de son auditoire (moi compris) dans des long-métrages abstrait et difficilement accessibles. Ils lui ont cependant permis d’affiner un langage cinématographique qui lui est propre, d’une incroyable richesse formelle, porté par des voix-off chuchotant des textes comme autant de prières et des flash-back élégiaques. Sa caméra filme en contre-plongée des visages riches de sens, délivrant de saisissant portraits et sublime une nature toute puissante, accompagnée d’une musique lyrique déchirante.
Et des plans superbes, partout, tout le temps.
Ce style certes ampoulé mais captivant sied parfaitement au récit d’Une Vie Cachée et illustre le dilemme moral auquel Franz se heurte. Il traduit le voyage spirituel qui lui fera nourrir sa décision tout comme le sacrifice insensé qu’il impose à sa famille.
Un long voyage, très long. Trop long sans doute, surtout au cœur du film lorsque Franz rejoint la prison et que le réalisateur en appelle de manière très appuyée à la spiritualité et à la foi.
On peut aussi s’étonner de l’étrange gymnastique entre les langues que s’impose Malick, les principaux personnages échangeant entre eux en anglais la plupart du temps, mais parlant aussi souvent en allemand (sans sous-titres) dans les scènes collectives, comme si Malick choisissait ce qui devait être clairement énoncé.
Cela ne gâche pas l’impression durable qu’Une Vie Cachée, magistral poème visuel, laisse sur le spectateur une fois qu’il a quitté la salle, mais au même titre que sa durée excessive, ça en limite la portée.