Le cœur d'une nation ...

C'est un film de Julien Duvivier qui se veut plutôt ambitieux et de propagande patriotique car il raconte l'histoire d'une famille française sur 4 générations et trois guerres (le siège de Paris en 1871, la guerre de 14-18 et la guerre de 39-40). A chacune des guerres, un des hommes de cette famille meurt.

Disons le tout de suite, ce film a dû souffrir autant d'avanies que l'histoire qu'il raconte et ce n'est pas peu dire.
La durée normale du film serait de 113 minutes. Je suppose (c'est à vérifier) que c'est la durée lors de la réalisation en 1940. Une fois réalisé, il n'a pas pu être distribué en France à ce moment-là et pour cause.

Duvivier s'exilant aux Etats-Unis embarque une copie (je le suppose encore) qui est projetée en 1943 sous le titre "The Heart of a Nation". Le film ne dure plus que 81 minutes.
Le DVD publié chez Gaumont que j'ai en ma possession dure 78 minutes soit 35 minutes de moins que la durée initiale soit encore un bon tiers en moins.

Pas étonnant que je trouve le film difficile à suivre dans la mesure où les scènes s'enchainent sans réelle transition que le compteur des années s'arrêtant sur une année laissant le spectateur deviner l'identité des personnages (qui ont vieilli d'une scène à l'autre).
Et c'est dommage car il y a de temps à autre de belles scènes dont on pourrait mieux profiter s'il y avait plus de liant.

Il y a pourtant de bonnes idées puisque la famille en question habite la butte de Montmartre et on voit au fil du temps l'évolution du petit village qui grossit jusqu'à intégrer Paris, l'absence de la basilique au départ puis en chantier puis construite.
De même l'idée d'évoquer le pays à travers des personnes ou une famille lambda est potentiellement intéressante.

Une autre bonne idée, quoique de facture très classique, est d'accompagner les années avec des clichés correspondant, le Moulin Rouge, les débuts de l'aviation, de l'automobile, la déroute boursière de la fin des années 20, les chansons à la mode ou nouvelles, ...

Le casting est prometteur avec côté hommes, Louis Jouvet et Raimu et côté femmes, Michelle Morgan, Suzy Prim et Renée Devillers. Sauf que Jouvet et Raimu ne semblent pas au mieux de leur forme. Raimu est un peu caricatural en Marseillais à la faconde qui frise (euphémisme) au cabotinage. Quant à Jouvet, il tient le rôle de deux personnages dont l'un part aux colonies et qu'on ne revoit qu'à la fin dans une scène où on comprend qu'il fut un grand bâtisseur et qu'il en refuse les honneurs. C'est bien peu pour un tel acteur.
Suzy Prim est certainement celle qui tire le mieux son épingle du jeu dans un rôle émouvant de la fille puis la femme qui s'est toujours dévouée pour les autres : elle a d'abord élevé ses deux frères orphelins, elle a passé son temps à soigner dans les hôpitaux de guerre pendant la guerre de 14-18 , ... et n'a jamais eu l'occasion de penser à elle et de fonder une famille.

C'est donc un film de Duvivier plutôt décevant. Le film ayant été pas mal charcuté, il est bien possible que je n'ai pas tous les éléments pour juger.

Je vais mettre 6 à cause de Suzy Prim dont le personnage est très beau.