SPOILER DANS CETTE CRITIQUE
Us de Jordan Peele s'inscrit décidément dans le genre du thriller psychologique plutôt que dans l'épouvante-horreur.
Il met en scène l'histoire, au premier abord, de doubles maléfiques tentent par tous les moyens de prendre la place de leurs homonymes. On suit notamment le cauchemar auquel est confrontée la famille Wilson, qui décide de passer ses vacances à Santa Cruz, dans la maison d'enfance d'Adelaïde Wilson, la mère de famille. Les entités maléfiques qui les poursuivent tout du long, semblent avoir pris racine dans ces lieux, des années auparavant. Alors que la première rencontre entre Adelaïde et son double à lieu sur une plage de cette côte Californienne, il n'est qu'une question de temps avant qu'elle ne la rattrape.
La "tension" qui se veut croitre scéne aprés scéne est ressenti par le personnage comme un nuage noir étouffant, prêt à s'abattre d'une minute à l'autre sur leur petite vie paisible. Si, elle est certe distillée visuellement de façon claire, l'impact sensorielle sur le spectateur ne semble pas prendre. Elle ne le laisse pas paranoïaque, prêt à se retourner au moindre bruit pour vérifier ses arrières comme Adelaïde ou prenant chaque petit indice comme le signe d'un danger imminent.
On attend juste avec curiosité de savoir quelle macabre histoire il peut bien se tramer derrière tous ces signes énigmatiques...
C'est donc en pleine nuit que la lutte pour la survie de cette petite famille ordinaire commence. Malgré un tempo bien rythmé, le cœur n'y est malheureusement pas. Là encore, on reste plutôt en retrait, on ne se sent pas impliqué comme on aurait pu l'être : le souffle coupé, les mains moites et le cœur battant ; priant pour qu'ils s'en sortent d'une façon ou d'une autre. On se sent presque détachés face à leur sort et alors qu'on se serait attendu à avoir le ventre noué par l'émotion on penche plutôt du côté cérébrale ; Il nous murmure tout au long du film la fascinante métaphore que Peele enferme au sein de ces doubles cauchemardesques.
Là, demeure essentiellement tout l'intérêt et l'intelligence de l'œuvre ! Ces doubles sont autant l'incarnation matérielle et symbolique de l'ombre qui réside en chacun de nous. Comme l'ombre opaque créée par l'impact du soleil sur notre corps, ces doubles reproduisent à l'identique tous nos moindres gestes. Il sont une extension de notre être, à la seule différence qu'eux s'épanouissent dans l'obscurité. Sans aucun moyen d'atteindre la lumière, ils se cachent aussi en eux un autre sens, celui qu'il leur confère leur dimension laide et effrayante. Car ce côté sombre, ce revers de la médaille que nous ne voulons pas forcément exposer aux yeux de tous est le nous avec toutes les cicatrices, les mauvais coups. Celui qui à était nourri de tout le négatif et les mauvaises expériences, que nous voulons garder caché à tout prix. A certains égards rappelant le fameux portrait de Dorian Gray, qui à subi les ravages du temps à la place de son propriétaire, ces doubles ont eux aussi était accablé par les ravages d'une vie. Relégué à vivre dans le noir, il sont la partie primitive et bestiale de notre personne, celle qui à subi les écorchures du temps.
Il est donc légitime que ces êtres mutilés et constamment enfouis veuillent eux aussi à un moment donné remonter à la surface, malheureusement une telle chose, ne peut se faire autrement que dans la violence. Car les traumatismes, les horreurs et autres petits monstres habitant parfois au sein de notre esprit ne peuvent faire que des ravages lorsqu'ils décident de surgir en force, brisant ainsi la fine ligne entre l'ombre et la lumière, entre l'inconscient et le conscient. L'être humain submergé par ce tsunami qui s'abat de plein fouet sur lui peut rarement y survivre. Car les frontières que l'esprit à savamment construit entre ces deux mondes pour assurer notre santé mentale ont été balayées d'un revers, brisées à tout jamais.
Il s'en est donc fallu de peu pour atteindre le chef d'œuvre. Ce je ne sais quoi, qui nous laisse malheureusement insatisfait surtout dans sa forme. Surement qu'il aurait était préférable de se concentrer presque entièrement sur le personnage principal, Adelaïde et lui assigné comme compagnon de route un de ses enfants. Car la famille dans son entièreté est assez inutile, notamment le mari qui fait plus office de running gag qu'autre chose. Les moments qui se focalisent sur cette femme au passé tourmenté sont les plus prenant, on pense notament à cette scéne finale parfaite, où enfin confronté à son double Adelaïde lutte pour sa vie, le réalisateur monte une corégraphie prenante et angoissante.
Enfin Us, fait partie de ces films qui continuent à grandir en nous bien après leur visionnage. Paradoxalement, c'est lorsque le film prend fin et que l'on se retrouve confronté à soi-même que la réelle angoisse et paranoïa tant attendue auparavant, se manifeste. Alors que dans la plupart des œuvres du genre elle prend ces racines sur des peurs infondées ou rarement réalistes, là elle s'ancre dans le réel. Toute la magie ou l'horreur de ce film réside dans le fait que c'est justement dans notre esprit et non dans une maison hantée ou au bout de la hache d'un psychopathe que notre propre cauchemar prend forme.