"Vacances Romaines" est un conte qu'il faut voir comme on regarde un conte. Au premier degré.
Si on s'amuse à regarder le film en en cherchant la vraisemblance, alors le film devient un affreux navet et le spectateur perd son temps.
Il est donc impératif de partir de ce postulat - ce film est un conte - et d'apprécier l'aventure telle qu'elle se présente. Ensuite, dans un deuxième temps, une fois le postulat admis, il n'est pas interdit de réfléchir sur ce que signifie l'aventure pour les deux protagonistes. Et on n'est pas à l'abri d'atteindre le sublime.
En résumé, une très jeune princesse royale d'un pays imaginaire en tournée en Europe s'évade de son palais doré pour voir la vraie vie par elle-même. Elle rencontre par hasard un journaliste américain qui se prête, pour une journée, à ses moindres désirs.
L'histoire dite comme ça serait un véritable repoussoir si on ne précisait pas immédiatement que c'est une toute jeune Audrey Hepburn qui amène toute sa fraîcheur et son ardeur juvénile dans le rôle de la princesse et que c'est un très séduisant, courtois et bienveillant Gregory Peck dans le rôle du journaliste américain.
La princesse conserve son incognito et le journaliste cache son véritable état pour gagner sa confiance et pouvoir l'accompagner tout au long de cette journée de découverte de la vie et de la ville de Rome.
Alors que la princesse réalise pleinement son rêve de liberté hors tout protocole mondain, le personnage du journaliste évoluera pendant toute cette journée de la minable recherche lucrative du scoop vers quelque chose de bien plus noble qui s'apparente plus à de l'amitié ou même de l'amour.
Ce rôle colle parfaitement à l'image que nous avons tous de Gregory Peck de "gentleman" incapable de bassesse, ce qu'il s'apprêtait justement à faire pour gagner un petit pactole qui lui aurait permis de le sortir de cette ornière de reporter minable.
Le personnage que joue Peck reçoit d'ailleurs comme une baffe la remarque que lui fait la princesse candide quand elle lui dit "n'avoir jamais rencontré quelqu’un d’aussi « désintéressé »". Le regard introspectif de Gregory Peck, muet, est, à cet instant, sublime.
Le personnage de la princesse n'est pas en reste. Bien au contraire, jusqu'alors, sa vie est ordonnée, minutée et organisée par d'autres où elle n'a pas son mot à dire. Brusquement, elle découvre que des gens vivent et décident, à chaque instant, de leurs faits et gestes. Cette journée de liberté - de vacances à Rome - sera presque comme un passage de l'adolescence à un état adulte responsable. Elle pourra enfin décider d'abandonner les "chemises de nuit" que l'Etiquette lui impose pour des "pyjamas" ...
Au delà de toutes ces considérations, le film est magnifiquement mis en scène dans les diverses pérégrinations à scooter dans Rome, essentiellement la Rome Antique, le Forum, le Colisée, la colonne Trajane, le temple de Saturne, en bref, les symboles de "la splendeur et de la liberté romaines" (Michel Butor dans "la Modification").
Il y a le superbe moment de "la Bocca de la Verita" où parait-il, Audrey Hepburn, pas au courant, s'est faite - gentiment - piéger par Gregory Peck, donnant une véritable authenticité à la scène.
Pour la petite histoire, j'ai voulu refaire la même blague à mon épouse lors d'un voyage à Rome mais, pas de chance pour moi, elle connaissait le truc.
Que dire de la réalisation de William Wyler du film qui est en noir et blanc. Il semblerait que ce soit volontaire de la part du réalisateur pour mieux concentrer l'attention du spectateur sur les deux personnages "sans qu'ils soient évincés par la beauté des monuments de Rome". Je préfère cette explication qui se tient parfaitement à celle, plus mesquine, d'une rigueur budgétaire de la Paramount ...
"Vacances Romaines" est un conte magnifique que je revois toujours avec un plaisir qui ne faiblit pas. Audrey Hepburn et Gregory Peck incarnent deux beaux personnages qui vivent une parenthèse d'une journée où ils se prennent fugitivement à rêver d'autre chose, d'un autre destin que la vie ne peut pas leur accorder.