Le fond du Puy…

Pour sa toute première incursion dans le cinéma, le parc du Puy du Fou a décidé de consacrer son premier long-métrage à un célèbre général vendéen, François-Athanase Charette de La Contrie, connu pour s’être illustré pendant la Guerre de Vendée (1793-1796). Autant dire que lorsque j’ai appris que le fameux parc vendéen, fondé et dirigé par la famille De Villiers, allait se lancer dans le cinéma en transposant la vie et le combat de Charette, j’étais à la fois curieux et très sceptique.

Curieux dans un premier temps puisque le Puy du Fou affiche une certaine ambition technique dans ses spectacles ainsi que dans l’entretien de son immense parc. Le voir mettre des moyens pour réaliser un vrai film de cinéma pouvait donc attiser la curiosité. D’autant plus qu’il s’agit ici d’un film d’époque sur la période de la Révolution française, quelque chose de rare dans notre cinéma. Ces éléments là pouvaient donc m’intriguer positivement à l’idée de découvrir ce long-métrage.

Mais d’un autre côté, Vaincre ou Mourir me laissait grandement interrogatif et méfiant puisqu’il s’inspire d’un des spectacles du Puy du Fou, Le Dernier Panache, qui retrace le parcours de Charette durant la Guerre de Vendée. Et le problème est que l’histoire même de ce spectacle affiche très clairement ses idées révisionnistes en prônant la thèse polémique du « génocide vendéen ». Alors un film historique produit et conçu par le Puy du Fou, fondé par Philippe de Villiers avec les orientations idéologiques que l’on connaît, avait de quoi poser des questions quant à l’orientation du scénario. Et au-delà même du scénario et du fond idéologique du film, quid de la qualité formelle et technique de l’œuvre car s’agissant quand même d’un premier film ?

Toutes ces questions ont trouvé leur réponse lors d’une des avant-premières du film à laquelle j’ai assisté en décembre 2022, et en présence d'un des réalisateurs, Vincent Mottez. Un évènement dont je me rappellerai encore longtemps tant certains moments de l’échange entre les spectateurs et le réalisateur étaient lunaires (exemple : un très gênant « Vive le Roi ! » crié dans la salle, ambiance…). Verdict ? Vaincre ou Mourir sera clairement l’un des pires films de l’année 2023 au cinéma, tant sur le fond que la forme.

Profondément ancré dans son idéologie révisionniste, royaliste et chrétienne, Vaincre ou Mourir est une représentation biaisée de l’histoire de la Guerre de Vendée. Les premières minutes du film, dans un style documentaire qui interroge, mettent en scène des historiens proches et partisans de certaines thèses soutenues par Philippe de Villiers (et donc le Puy du Fou) et prouvent donc bien que nous n’aurons pas une vision purement historique et objective des évènements… En effet, la représentation ultra manichéenne du conflit est tout simplement insupportable, opposant les très méchants et sanguinaires républicains contre les courageux et très croyants contre-révolutionnaires qui arborent avec fierté leurs drapeaux « Vive Dieu, Vive le Roi ». Enfin, le film ressemble plus à une sorte de fiche Wikipédia sur la Guerre de Vendée où s’enchaînent les dates pour faire avancer le récit, le tout aidé par une voix off omniprésente, comme dans un documentaire. Le film semble avoir le cul entre deux chaises…

Mais si Vaincre ou Mourir est un tel fiasco c’est aussi parce qu’il est tout simplement très (très) mal réalisé et monté. L’histoire n’étant déjà pas très passionnante, la mise en scène n’apporte de son côté aucun rythme durant les 1h30 de film et le spectateur s’ennuie ferme. Petite anecdote intéressante de l’avant-première : le réalisateur Vincent Mottez a révélé à la fin de la séance que le film avait été tourné sur les terres du Puy du Fou et pendant seulement 18 jours… Tout s’explique donc… Le manque cruel de moyens (3,5 millions d’euros de budget) se voit très clairement à l’écran : mêmes décors utilisés régulièrement, une photographie très grise et terne, aucune scène qui ne marque la rétine, aucun souffle épique qui ne se dégage de l’œuvre et où la seule scène de bataille avec figurants est affreusement mal filmée et charcutée au montage, et où l’on ne comprend absolument rien à ce qu’il se passe à l’écran tant la caméra bouge vite et utilise peu de plans larges. Enfin, une musique pompeuse vient accentuer à outrance les émotions et les évènements tragiques de l’histoire, jusqu’à en devenir parodique… bref, cinématographiquement parlant ce Vaincre ou Mourir est une honte.

Et de leur côté, les acteurs ne viennent même pas relever le niveau ! Hugo Becker, qui interprète Charette, est très mauvais et manque de charisme pour porter ce Braveheart à la française. La scène de discours pour haranguer ses troupes avant la bataille, très clairement inspirée par le film de Mel Gibson, est d’un ridicule total, l’acteur n’étant pas crédible une seule seconde ! Le reste du casting, quant à lui, nous offre des acteurs complètement à côté de la plaque, et notamment certaines têtes connues comme Jean-Hugues Anglade, Gilles Cohen et Rod Paradot qui n’ont rien à jouer tant leurs personnages sont vides, inintéressants et pas utiles à l’histoire.

Vaincre ou Mourir est donc très clairement un film à oublier et bien vite. Historiquement et idéologiquement très douteuse, cette première tentative de « faire du cinéma » et de raconter l’histoire de la Guerre de Vendée par le Puy du Fou est un échec total, la forme n’étant pas du tout maîtrisée et le fond amenant à se poser de nombreuses questions. N’est pas Braveheart qui veut.