On était assez curieux de faire la rencontre de ce petit film canadien au titre hilarant, aux personnages absolument adorables (Sara Montpetit et Félix-Antoine Bénard y sont pour tout), et très généreux dans tout ce qu'il a à dire sur l'adolescence, les femmes, et la modernisation de l'image du vampire (à ranger parmi les excellents modèles à la Taika Waititi). Ici les vampires ne sont pas de vilains monstres à dégommer, mais pas non plus des bellâtres pour comédies romantiques cuculs, non, ici ils sont une petite famille classique (enfin, presque, si on ne compte pas les tables à saignées...), soudée, mais dont la fillette a peur de tuer. Ses dents ne veulent même pas pousser, et les parents paniquent : sera-t-elle indépendante un jour ? Il y a une belle métaphore de la floraison sexuelle dans cette histoire de corps qui change avec la maturité et l'indépendance, surtout avec cette adorable jeune femme (on le répète : Sara Montpetit est magnétique) qui a peur de découvrir ses désirs, qui a peur de blesser l'autre et d'être "nulle" lors du passage à l'acte (vous voyez clairement de quoi on parle, et si jamais vous avez une quelconque raison de penser que le film fait des parallèles grivois ou balourds, vous ne pouvez être plus loin de la vérité). Le mal-être adolescent est très finement questionné, chez la jeune fille avec sa "première fois" qui l'inquiète énormément, et chez le jeune homme (on le répète : Félix-Antoine Bénard nous brise le cœur en un regard triste) avec ses pulsions suicidaires qui sont décrites sans jamais verser dans le drame facile ni l'humour noir méchant, on respecte son personnage au point de ne pas chercher à creuser les raisons de cette volonté mortifère (on voit qu'il est seul, qu'il en bave constamment avec les autres ados, qu'il est de nature à tout garder pour lui, alors le scénario trouve justement inutile de nous souligner ou sur-expliquer son choix, on nous le présente d'emblée résigné). Le film reste toujours élégamment sur le fil du rasoir de la comédie grinçante et des thématiques plus tragiques, se permet de jouer avec ses personnages (la scène de la danse statique devant le vinyle est vraiment réussie), avec nos attentes à leurs sujets (on craignait une autre fin, on s'est fait avoir : chouette !), met beaucoup de cœur là où on n'en attendait pas (le début avec le papa qui protège le droit de sa fille à ne pas fleurir, on a fondu, idem la fin sans rien dévoiler : on a plus que fondu). Vampire humaniste cherche suicidaire consentant est un petit OVNI qui remet étrangement de la vie dans des personnages morts, remet de l'humain dans des créatures normalement monstrueuses, aborde des sujets graves (suicide et peurs paniques) sans oublier d'être léger et plein de compassion. Et c'est dans cette zone de magnifiques contradictions, jamais frustrées mais toujours consentantes, qu'on découvre un petit bijou inattendu.

Aude_L
9
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le 25 déc. 2023

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