Vénus Beauté (Institut), sorti en 1999 et réalisé par Tonie Marshall, est un film qui semble simple mais met en scène une diversité de personnalités et de caractères qui se croisent et s’entrelacent, illustrant la complexité des relations humaines. Sous son apparente légèreté, il aborde des thèmes profonds comme le temps qui passe, le rapport au corps, la solitude et la quête d’amour.
Angèle Piana, interprétée par Nathalie Baye, est une femme bavarde, au fort caractère, soucieuse, mais qui manque de confiance en elle. Elle enchaîne les rendez-vous, espérant trouver un homme qui lui conviendra et surtout à qui elle conviendra.. mais cette recherche semble sans fin. Les hommes qu’elle rencontre ne veulent rien de sérieux et la jugent constamment, formulant des remarques systématiques sur son apparence la trouvant trop mince. On lui reproche subtilement, parfois même explicitement de ne pas avoir de formes très prononcées, soulignant ainsi la pression des normes esthétiques imposées aux femmes. Le film met en évidence cette obsession du physique et la manière dont elle conditionne le regard masculin. De plus, la phrase « à votre âge » revient régulièrement, comme un rappel cruel que la jeunesse est perçue comme une valeur marchande dans le jeu de la séduction.
Le salon de beauté est un espace où ces tensions s’exacerbent. Les clientes, souvent angoissées par le vieillissement, refusent d’accepter le passage du temps. À travers elles, le film montre comment l’industrie de la beauté alimente l’illusion du contrôle sur l’apparence et, par extension, sur la vie elle-même. La gérante du salon, Nadine (Bulle Ogier), est un personnage en retrait mais dont la présence m’a marqué. Elle n’est pas vraiment incluse dans la dynamique et complicité des employées, mais elle se distingue par son attitude jugée dure, presque odieuse, comme si elle portait en elle une désillusion plus grande encore que celles des autres personnages.
Un élément récurrent du film est le sifflement qui accompagne chaque moment d’angoisse d’Angèle. Il fonctionne comme un signal inconscient de malaise, un bruit qui la hante et qui semble traduire une mécanique inévitable du désir et de la frustration(même de jalousie). La relation qu’entretient Angèle avec son amant est comme une boucle : il la suit, elle le suit, sa femme le suit, et ainsi de suite, créant une impression de répétition et de fatalité dans les relations humaines.
La mise en scène de Tonie Marshall est d’une subtilité remarquable. Derrière la douceur apparente des lumières tamisées et des tons pastel du salon, le film installe une tension permanente entre la superficialité des gestes quotidiens et la profondeur des fêlures intérieures. Le montage accompagne cette dualité : les scènes de travail dans l’institut sont rythmées, presque mécaniques, tandis que les moments de solitude d’Angèle s’étirent, soulignant son désenchantement. Le film atteint plusieurs climax, notamment dans la confrontation entre Angèle et Antoine (Samuel Le Bihan), où leur attirance se heurte brutalement aux blessures du passé. Il y a une montée en tension particulièrement marquante dans les moments où les illusions des personnages s’effondrent : lorsque les clientes réalisent que le soin du corps ne les sauvera pas du temps qui passe, la fiancée d'Antoine voulant se venger ou encore quand Angèle prend conscience du cercle infernal dans lequel elle s’enferme.
Au final, Vénus Beauté (Institut) est une réflexion subtile sur l’âge, le désir et la difficulté de s’aimer soi-même dans une société obsédée par l’apparence. Et je souligne d’ailleurs que le film est constitué d’un bon casting. Derrière son ton faussement léger, le film dévoile une mélancolie profonde, celle des êtres qui cherchent désespérément à combler un vide intérieur.