Vermines
6.8
Vermines

Film de Sébastien Vaniček (2023)

Quand les parasites s’insinuent dans les salles

Tourné en Seine-Saint-Denis, le long-métrage de Sébastien Vaniček a le vent en poupe. Après une campagne promotionnelle discrète, ce film d’horreur bénéficie d’un bouche à oreille quelque peu inattendu. Un accueil mérité, et un pas de plus vers le renouveau du film de genre à la française !

Le Pitch 

Kaleb vit dans une tour d’habitation de banlieue parisienne. En conflit avec son meilleur ami et sa sœur, il traverse une période de solitude. Passionné d’animaux exotiques, il fait l’acquisition d’une araignée venimeuse qui va échapper à sa vigilance et propager son espèce dans tout l’immeuble. Placés à l’isolement, les habitants doivent faire face à des araignées dont la taille s’accroît.


Une mise en scène ambitieuse et une atmosphère poisseuse

S’il y a une chose qui nous a marquée à la sortie de la séance, c’est l’empreinte durable que le métrage de Sébastien Vaniček laisse sur la rétine. Le cachet visuel est particulièrement soigné pour un film au budget si restreint, et l’ambiance visuelle et sonore, glauque à souhait, plonge les acteurs et actrices dans une pesanteur particulière. Dans des teintes jaunâtres, souvent même ambrées, le film rappelle les éclairages très nineties d’œuvres tels que L’Échelle de Jacob ou plus anciennement Angel Heart. Au delà de ces références, la photographie des scènes de quartier nous plonge dans une atmosphère qui n’est pas sans rappeler les étendus désertiques présentes dans l’introduction du film.


Les effets de caméra ne sont pas en reste, et le réalisateur et son chef opérateur Alex Jamin jouent habilement avec les focales, n’hésitant pas à placer les bébêtes en arrière plan pour qu’elles se déplacent à l’insu des personnages, parfois même dans les zones de flous de l’image. Un effet des plus efficaces, qui permet d’amplifier la sensation d’insectes qui s’insinuent partout, créant ainsi une sorte de paranoïa de l’image, où l’on ne sait jamais d’où va surgir la menace. (Spoiler alert) C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle le film nous a semblé plus efficace dans sa première partie. Les créatures se faisant de plus en plus grosses au fil du récit, la peur diminue au fur et à mesure que la sensation de grouillement, si propre aux petits insectes, se transforme au profit d’un gigantisme un peu plus irréaliste.


Certaines séquences clippées, portées par des sons de hip-hop bien sentis, et disséminés ça et là dans le film, fonctionnent également plutôt bien, tant elles ne dépassent pas outre-mesure de la trame globale.


Un propos social et une histoire de famille

Plus qu’un film de créatures, le film porte en son sein un véritable propos social. Situé principalement dans le cadre spatio-temporel d’une cité de banlieue, au-delà de la grande ceinture Parisienne, l’imposant lotissement se trouve très vite confiné, pour des raisons officielles de maintient de la sécurité. Face au risque de contagion vers le reste de la ville, les forces de l’ordre, bras armé d’un pouvoir étatique peu scrupuleux, n’hésitent pas à réprimer les tentatives des protagonistes pour s’échapper de la zone infectée. Une des scènes du film consiste d’ailleurs à montrer une lutte armée entre les personnages et les policiers, qui tourne vite au gazage général et aux coups de matraques, invoquant de la mémoire collective des souvenirs récents de répressions policières des plus médiatisées.


Quant à la trame intimiste qui unit les protagonistes au centre du film, elle propose sont lot de trahisons et d’amours déchus, sur fond de deuil familial. Une dynamique interne qui rend les personnages attachants dans leur vulnérabilité, et qui constituera une force non négligeable en fin de récit.


La fin du film est elle aussi évocatrice, et propose une ouverture subtile, sur fond de parallèle entre la vermine et les classes populaires, face auxquelles le rejet et la peur ne sont peut-être avant tout que l’expression d’une paranoïa collective.


Un film à voir ?

Conscient de l’impact de ses images, et fort d’une mise en scène réfléchie, le film de Sébastien Vaniček frappe là où ça fait mal, et nous plonge dans une atmosphère poisseuse, digne des grandes références du genre. S’écartant un peu plus des poncifs, ce long-métrage est une pierre de plus vers l’émancipation du film de genre à la française. Une belle proposition de cinéma, qui augure de belles perspectives pour le cinéma hexagonal à l’avenir !


Critique pour Beware, le 12 janvier 2024.

Arthurtonglet
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 18 janv. 2024

Critique lue 10 fois

Arthur Tonglet

Écrit par

Critique lue 10 fois

D'autres avis sur Vermines

Vermines
Dagrey_Le-feu-follet
3

Ma 6-T est envahie par les araignées...

Face à une invasion d'araignées, les habitants d'un immeuble de Noisy le Grand vont devoir s'organiser pour survivre. Vermines est un film d'horreur français de Sébastien Vaniček sorti en décembre...

le 7 janv. 2024

70 j'aime

Vermines
Behind_the_Mask
7

L'araignée pas très sympa du quartier

L'année 2023 aura donc illustré, en France, un sacré retour gagnant du film de genre. Et en plus, dans des domaines assez variés pour, presque à chaque fois, prendre son pied.De la place pour tout le...

le 4 janv. 2024

54 j'aime

1

Vermines
Fidjing
8

Critique de Fidjing : Attention , l'araignée est là!

Ce film d'Horreur français est de Sébastien Vanicek .Un passionné d'animaux exotiques Kaleb ( Théo Christine ) sème la panique dans son immeuble lorsqu'un jour il ramène une araignée vénimeuse chez...

le 14 janv. 2024

48 j'aime

34

Du même critique

Dark Crystal
Arthurtonglet
8

Dark Crystal : une oeuvre artistique inspirée

Dark Crystal, c'est d'abord et avant tout un rêve fou. Après "le Muppet Show" à la télévision et quelques films de la même licence réalisés pour le cinéma, Jim Henson et Frank Oz font le pari osé...

le 22 juin 2017

15 j'aime

6

I Know This Much Is True
Arthurtonglet
9

Un récit mythologique et grandiose

Avant toute chose, il faut rappeler que I Know This much Is True est un roman de Wally Lamb publié en 1998. Le livre paraît et se déroule donc dans une décennie marquée par l’engagement de l’armée...

le 29 juin 2020

11 j'aime

L'Écume des jours
Arthurtonglet
7

Un Cocktail de douceurs d'une étonnante amertume

"L'écume des jours", c'est d'abord un conte écrit un peu à la va-vite au printemps 1946 pour être présenté au concours de La Pléiade, deux mois seulement après son premier coup de crayon. Avec ce...

le 18 oct. 2022

7 j'aime

4