Tourné en Seine-Saint-Denis, le long-métrage de Sébastien Vaniček a le vent en poupe. Après une campagne promotionnelle discrète, ce film d’horreur bénéficie d’un bouche à oreille quelque peu inattendu. Un accueil mérité, et un pas de plus vers le renouveau du film de genre à la française !
Le Pitch
Kaleb vit dans une tour d’habitation de banlieue parisienne. En conflit avec son meilleur ami et sa sœur, il traverse une période de solitude. Passionné d’animaux exotiques, il fait l’acquisition d’une araignée venimeuse qui va échapper à sa vigilance et propager son espèce dans tout l’immeuble. Placés à l’isolement, les habitants doivent faire face à des araignées dont la taille s’accroît.
Une mise en scène ambitieuse et une atmosphère poisseuse
S’il y a une chose qui nous a marquée à la sortie de la séance, c’est l’empreinte durable que le métrage de Sébastien Vaniček laisse sur la rétine. Le cachet visuel est particulièrement soigné pour un film au budget si restreint, et l’ambiance visuelle et sonore, glauque à souhait, plonge les acteurs et actrices dans une pesanteur particulière. Dans des teintes jaunâtres, souvent même ambrées, le film rappelle les éclairages très nineties d’œuvres tels que L’Échelle de Jacob ou plus anciennement Angel Heart. Au delà de ces références, la photographie des scènes de quartier nous plonge dans une atmosphère qui n’est pas sans rappeler les étendus désertiques présentes dans l’introduction du film.
Les effets de caméra ne sont pas en reste, et le réalisateur et son chef opérateur Alex Jamin jouent habilement avec les focales, n’hésitant pas à placer les bébêtes en arrière plan pour qu’elles se déplacent à l’insu des personnages, parfois même dans les zones de flous de l’image. Un effet des plus efficaces, qui permet d’amplifier la sensation d’insectes qui s’insinuent partout, créant ainsi une sorte de paranoïa de l’image, où l’on ne sait jamais d’où va surgir la menace. (Spoiler alert) C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle le film nous a semblé plus efficace dans sa première partie. Les créatures se faisant de plus en plus grosses au fil du récit, la peur diminue au fur et à mesure que la sensation de grouillement, si propre aux petits insectes, se transforme au profit d’un gigantisme un peu plus irréaliste.
Certaines séquences clippées, portées par des sons de hip-hop bien sentis, et disséminés ça et là dans le film, fonctionnent également plutôt bien, tant elles ne dépassent pas outre-mesure de la trame globale.
Un propos social et une histoire de famille
Plus qu’un film de créatures, le film porte en son sein un véritable propos social. Situé principalement dans le cadre spatio-temporel d’une cité de banlieue, au-delà de la grande ceinture Parisienne, l’imposant lotissement se trouve très vite confiné, pour des raisons officielles de maintient de la sécurité. Face au risque de contagion vers le reste de la ville, les forces de l’ordre, bras armé d’un pouvoir étatique peu scrupuleux, n’hésitent pas à réprimer les tentatives des protagonistes pour s’échapper de la zone infectée. Une des scènes du film consiste d’ailleurs à montrer une lutte armée entre les personnages et les policiers, qui tourne vite au gazage général et aux coups de matraques, invoquant de la mémoire collective des souvenirs récents de répressions policières des plus médiatisées.
Quant à la trame intimiste qui unit les protagonistes au centre du film, elle propose sont lot de trahisons et d’amours déchus, sur fond de deuil familial. Une dynamique interne qui rend les personnages attachants dans leur vulnérabilité, et qui constituera une force non négligeable en fin de récit.
La fin du film est elle aussi évocatrice, et propose une ouverture subtile, sur fond de parallèle entre la vermine et les classes populaires, face auxquelles le rejet et la peur ne sont peut-être avant tout que l’expression d’une paranoïa collective.
Un film à voir ?
Conscient de l’impact de ses images, et fort d’une mise en scène réfléchie, le film de Sébastien Vaniček frappe là où ça fait mal, et nous plonge dans une atmosphère poisseuse, digne des grandes références du genre. S’écartant un peu plus des poncifs, ce long-métrage est une pierre de plus vers l’émancipation du film de genre à la française. Une belle proposition de cinéma, qui augure de belles perspectives pour le cinéma hexagonal à l’avenir !
Critique pour Beware, le 12 janvier 2024.