Vice-versa 2
6.8
Vice-versa 2

Long-métrage d'animation de Kelsey Mann (2024)

Il y a quelques semaines, le studio Pixar exprimait clairement son plan d'action : les propositions originales récentes n'ont pas vraiment trouvées leur public (Soul, Alerte Rouge ou encore Luca), donc les prochains projets seront principalement des suites de franchises cultes. Ainsi a été annoncé Toy Story 5, mais également Vice-Versa 2.

Et c'est une stratégie assez regrettable, dans une ère Hollywoodienne submergée de franchises, remakes et spin-off, et où les œuvres originales se font rare. D'autant plus que Pixar a toujours été réputé pour sa créativité et ses propositions uniques, qui les démarquaient du reste de l'industrie. Qui les démarquaient même du géant aux grandes oreilles.

Mais que voulez-vous, capitalisme tout ça tout ça, on ne va pas refaire le sujet.

C'est donc dans ce contexte que débarque Vice-Versa 2, près de 10 ans après la sortie du premier volet. Premier volet que je classe au rang de chef-d'œuvre du genre, en plus d'être l'un des tous meilleurs Pixar encore à ce jour. Mais au-delà d'une sincérité douteuse régnant autour de ce nouveau projet, je me questionnais sérieusement sur la pertinence d'une suite. Car le concept, aussi génial soit-il, avait déjà été bien essoré par le premier volet.

Le début de ce deuxième opus n'a fait que renforcer mes craintes. Le film démarre exactement comme le précédent, avec les 5 émotions originelles (Joie, Tristesse, Peur, Dégoût et Colère) qui s'entrecroisent dans l'esprit de notre héroïne Riley. Et certes, c'est toujours aussi malin dans l'écriture, mais on est clairement en terrain connu. Ce qui a tendance à pas mal amoindrir notre plaisir de découverte.

Mais après une vingtaine de minutes, le film se lance : Riley arrive à l'adolescence, la puberté pointe le bout de son nez, et les nouvelles émotions avec. Faites place à Embarras, Envie, Ennui, et surtout Anxiété (Nostalgie pique aussi une tête par-ci par-là).

Et à l'image du chamboulement dans l'esprit de l'adolescente, un certain chaos s'installe à l'écran. Pratiquement 10 personnages se bousculent à l'image, et même si le tout est plutôt bien tenu, avec des vannes qui fusent dans tous les sens et qui sont assez réussies, force est de constater que le récit tend dangereusement vers une stimulation boulimique.

Heureusement, le film a l'excellente idée de rapidement donner les pleins pouvoirs aux nouvelles émotions, en expédiant les anciennes dans un lieu bien distinct. Cette séparation franche permet d'alléger la narration, inhibant ainsi la surcharge informationnelle qui menaçait le spectateur.

Ce choix scénaristique est d'autant plus intelligent qu'il souligne l'instabilité émotionnelle induite par l'adolescence, se caractérisant notamment par l'émergence des troubles anxieux. Le personnage d'anxiété devient ainsi machinalement l'antagoniste du film. Et ce, sans même s'en rendre compte.

Bref, le très grand Pixar a encore frappé.

L'œuvre s'amuse alors à déconstruire avec brio tous les mécanismes anxieux, si chers à nos petits esprits stressés contemporains. En plus d'une ingéniosité terrible dans le renouvellement des situations narratives, le film se révèle être un formidable outil pédagogique, enseignant aux plus jeunes la gestion essentielle de tels signaux physiologiques.

Car, plutôt que de débattre sur CNews afin de savoir si Vice-Versa 2 fait la promotion du voile ou non (histoire vraie), il serait bien de rappeler que l'œuvre est avant tout un formidable message de tolérance et d'acceptation émotionnelle. Et difficile de refuser ce genre de tract pro santé mentale, dans une époque aussi sujette aux pathologiques anxieuses. Pixar a bel et bien trouvé l'axe parfait pour aborder (et justifier) cette suite.

La puissance dans le traitement scénaristique du trouble anxieux est également appuyée par un très joli travail visuel. Jouant en permanence sur la palette de couleurs offertes par les différentes émotions, le long-métrage brillera tout particulièrement lors d'un climax virtuose, dépeignant (littéralement) un maelström émotionnel à l'écran. Une séquence qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler Le Chat Potté 2, qui abordait déjà magnifiquement le sujet des crisses d’angoisse.

Dans un registre tout autre, je me devais de faire également une mention spéciale à la séquence explorant les secrets refoulés de Riley. Tout simplement incroyable.

Au-delà du personnage d'anxiété, on pourra néanmoins reprocher à ce nouveau volet le cruel manque d'intérêt accordé aux autres nouvelles émotions. Ennui et Envie semblent complètement anecdotiques, sans aucune évolution dans leur caractérisation, ni impact sur le récit dans l'ensemble. Pareil pour Embarras qui n'est pas bien utile, mais qui sera bien évidemment pardonné parce qu'il est TROP MIGNON SÉRIEUX.

Un manque d'équilibre dans les émotions qui est par ailleurs inhérent à la franchise, avec Joie et Tristesse qui occupaient déjà très largement le récit du premier volet.

De même, contrairement à un premier opus qui bénéficiait d'une finesse d'écriture extraordinaire quant à la caractérisation de ses émotions, les nouveaux venus semblent ici bien moins nuancés. Les situations et résolutions narratives sont plutôt pauvres, d'où une certaine distance avec ces nouveaux personnages. Alors que Vice-Versa 1 menaçait en permanence mon canal lacrymal, ce deuxième volet s'avère plus lisse, avec un impact émotionnel moindre.

Même s'il constitue une expérience globale moins mémorable, le film ne mérite pas les retours particulièrement sévères auxquels il fait face. Souffrant évidemment de la comparaison avec la maestria absolue du premier, ce second opus offre malgré tout une ingéniosité visuelle et narrative pas bien loin des plus grandes œuvres du studio américain.

Oui, l'effet de surprise n'est plus là. Mais Vice Versa 2 reste très certainement l’un des meilleurs crus Pixar de ces dernières années.



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le 19 août 2024

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