En voilà un film étrange, une sorte d’arbre nain que l'on aurait à tout prix voulu nous faire passer pour un sequoia. Pourtant cela démarre assez bien, un générique étrange aux mouvements aléatoires, des formes avances et se chevauchent sans que l'on ne sache vraiment à quoi tout cela peut correspondre avant qu'un travelling arrière nous laisse découvrir un écran d'ordinateur.
Déjà ici on nous fait comprendre l'importance du regard que l'on porte sur les choses et l’incapacité à comprendre ce que l'on voit si l'on ne prend pas une distance raisonnable avec ce qui nous est montré. Je ne sais pas si quelques heures suffisent à me faire prendre la hauteur nécessaire, mais de la légère dénivellation ou j'ai pu me hisser, le film semble encore me laisser sur ma faim.
Je pense évidemment qu'il n'est pas innocent que le film s'attarde sur un informaticien, d'ailleurs plus qu'un informaticien il semble être un développeur, un concepteur de forme et donc être le croisement parfait entre le technique et l'artiste.
Il semble donc naturel que d'une façon assez archétypale il nous soit présenté comme un être maladroit socialement (sa vanne au stagiaire qui ne fait rire personne et qui peut représenter une forme de violence sociale), en apparence solitaire et taiseux. Quand je dis naturel en fait pas vraiment, cela semble naturel à son metteur en scène qui semble avoir une vision assez désincarnée et vieillotte de ce qu'il semble vouloir dénoncer.
Cette violence gratuite, spontanée et létale semble maladroitement vouloir figurer celle de notre temps, celle des réseaux, des médias qui peut s'abattre à tout moment sur le coin de nos pseudonyme envahissant. Mais son approche semble être celle d'un vieux professeur qui cherche à comprendre un monde qui l'a oublié. Une vision passéiste, le désir d'"allégoriser" un mal qui lui échappe.
Pourtant tout commence bien, basculant très rapidement dans un comique de l'absurde pouvant se rapprocher d'un Terry Gilliam. Une société ou la victime subit des inversions accusatoires et se retrouve à devoir disparaitre pour le bien de tous. Un monde qui trouve plus facile de cacher que de dénoncer. D'ailleurs les élans instantanés de violence non édulcorées, contribuent à générer un malaise ou le regard du spectateur oscille entre le dégout et le rire franc et irrépressible.
Mais ensuite le film s'enlise encore plus que Vincent lors de son combat contre un facteur dans les méandres des rejets d'une fosse sanitaire. C'est là l'un des problèmes, Stéphan Castang semble plus fasciner par son concept que par ses personnages, on bascule dans un rythme lancinant entre fuite et affrontement, le tout n'étant pas aidé par un déroulé narratif particulièrement inspiré par les classiques du genre.
Plus le film avance moins on comprend ce que l'on cherche à nous dire et comme la mise en scène n'emporte pas le spectateur dans un plaisir graphique immédiat, l'ennui commence à poindre. Une continuité dans les plans rapprochés, le flou d'arrière-plan, la caméra épaule ne font qu'accentuer la mollesse d'un récit semblant n'aller nulle part.
Un amour étrange ne parviendra jamais à insuffler le brin d'âme manquante a cet amas d'idées parfois ingénieux. Je me prends à me demander ce qu'aurait donner un Cronenberg sur cette passion entre deux êtres dont un simple regard échangé peut l'amener à vouloir irrémédiablement assassiner l'autre.
D'ailleurs ce final semble particulièrement étrange et l'on se demande ce que le film cherche à nous dire dans cette relation ou la femme tente de tuer son homme et au bout du compte l'homme fini par être soumis à ce même désir de violence en cherchant à la tuer à son tour.
Cette fin ou pour rester ensemble elle doit bander les yeux de Vincent, cette fin ou un homme calme et presque amorphe, à dire vrai, fini par être soumis à la violence systémique qui l'entoure. Doit-on imaginer que pour vivre heureux il faut s'échapper et fermer les yeux sur les choses. Une fin quelque peu décevante pour un film qui n'aura jamais vraiment su démarrer.