Indépendamment de la valeur intrinsèque du film d'Ozu, on ne peut pas ignorer le choc culturel que représente, à nos yeux, ce reflet de la société japonaise en 1953. Cet "exotisme" est inséparable de l'intérêt que procure le film.
Tout en plans fixes (sauf un, dont j'ignore le sens), avec une caméra posée au sol pour capter les conversations de personnages le plus souvent agenouillés ou assis en tailleur, la réalisation, confinée pour l'essentiel dans les logements, semble vouloir en restituer l'exiguité. Car le manque de place n'est pas une idée en l'air dans le sujet d'Ozu. Il détermine pour une part l'accueil qui est fait par leurs enfants au vieux couple venu de son lointain village jusqu'à Tokyo pour les visiter.
La relation courtoise et respectueuse entre ces modestes parents et leurs enfants ne perdra jamais de ce caractère policé, même quand les vieux époux comprendront avec amertume qu'ils sont un embarras pour leurs enfants,
à l'exception de leur belle-fille aimante, veuve d'un fils mort au combat
(ce sera la seule référence à la guerre finie huit ans plus tôt). Le sujet d'Ozu évoque sans éclat ni acrimonie l'égoisme des enfants - jusqu'à l'indifférence des petits-enfants- et le sentiment d'inutilité, le sentiment d'être de trop qu'éprouvent leurs parents dans une société qui avance sans avoir besoin d'eux. C'est le principal enseignement de ce film sensible, d'une très grande simplicité scénaristique -sans préjudice d'une discrète symbolique- et qui sait rendre attachants des personnages à la fois si proches et si éloignés de notre culture.