Le panache blanc de Bertrand Tavernier nous entraîne sur les chemins buissonniers d'un formidable voyage plein d'amour cinéphile débordant d'anecdotes qui disent les Hommes ( et les "putes"... sic) , et transpirant l' oeil du cinéaste offrant à voir au néophyte ou au cinéphile curieux...les trésors que ses congénéres avaient tourné avant lui.
Il suscite autant un puissant désir de redécouverte, qu'une envie juvénile de se lancer nous aussi dans cette grande aventure, le tournage, la création d'images, le montage, la direction d acteurs et tutti quanti!
Il aime Becker pour son cinéma humaniste, modeste, populaire.( Le Trou, à découvrir de toute urgence amis lecteurs). Et il me fait découvrir magistralement sa parenté avec un autre cinéaste que je vénère, Howard Hawks.
Il est intéressant de voir comment le cinéma américain a irrigué, nourri nombre de cinéastes à commencer par lui.John Berry, quelle découverte! Eddy Constantine quel oubli! Melville évidemment. Comme il est un pont entre les générations, il n'oublie pas de nous conter aussi le retour de boomerang avec un certain Quentin T adorant "le Doulos".
Et puis il y a Sautet, dont je découvris il y a peu le formidable Classe tout risques. Sautet et le malentendu du cinéaste giscardo-pompidolien. Sautet et ses colères, Sautet et sa noirceur portée avec une douceur incroyable par une Romy Schneider que notre ami Bertrand semble ici oublier. N' a t-il donc aimé que des hommes dans le cinéma français?
Son hommage à Gabin, l' Homme courageux, l' acteur de Génie qui pouvait tout jouer, la douceur comme la violence, le gars du peuple comme le Président, le criminel comme le flic, il m' a parlé tellement fort, il m' a ému. Je l' aime encore plus mon Gab'....
Mais pourquoi pas d'hommage équivalent à une femme ? Je pense à Arletty que nous voyons à de plusieurs reprises. Son courage, sa liberté et le prix qu'elle en paya, comme son génie d'actrice d'être toujours forte et fragile quoi qu'elle joue.
Sa réflexion sur le cinéma reste toujours à hauteur d'homme, quand il parle d'authentiques génies comme Carné et Melville en dévoilant leurs failles autant que leurs talents, leurs tics comme leur manque d'empathie.
On peut donc réaliser des chefs d'oeuvre sans parler à son acteur principal, se rater en choisissant la mauvaise actrice , j'ai enfin compris pourquoi je n'aimais pas beaucoup "les Portes de la Nuit" et pourquoi adolescent je fus subjugué par "le jour se lève" ou "Casque d'or". Encore et toujours l'importance essentielle des acteurs, ce conseil de Sautet à Rappeneau de choisir Noiret plutôt que Jourdan.
Mais aussi cette rigueur incroyable des génies réalisateurs qui pouvaient rendre fous leurs acteurs, se découvrant sublimés à l'écran après avoir voulu leur casser la gueule, n'est-ce pas Bébel? .
Le cinéma est partage, il est une histoire collective d'individus. Merci Tavernier.
Je me souviens enfin. Je me souviens qu' adolescent je m'ouvris au cinéma en voyant sur grand écran "la vie et rien d'autre", et plus tard "L627", "l' appât". Un jour il fera lui aussi partie d'une anthologie de cinéaste cinéphile....