Le cinéma français, c'est se prendre un train de Lumières sur la figure, à la verticale, tandis qu'une salle réunissant tant d'anonymes oublient, le temps d'un frisson, la guerre sino-japonaise qui sévit.
Le cinéma français, c'est Georges Méliès qui décide de le rendre magique et interdimensionnel, envers et contre tous les Titanics, puisqu'un film est toujours une illusion, une émotion, une Exposition Universelle de ce que nous sommes.
Le cinéma français, c'est Max Linder ne voyant pas les horreurs à venir, continuer de faire rire avec son corps si maladroit et si cinématographique.
Le cinéma français, c'est Abel Gance qui s'invente Napoléon, au sein des années folles, au nom d'un Art suprême où peuvent se rallier les spécificités de chaque Art avec de la démesure.
Le cinéma français, c'est croiser Jean Gabin en ouvrier séducteur, à la fois Bête et Pépé, te racontant le Front Populaire en mangeant des grosses côtes de sangliers. Le cinéma avait la gueule de Jean Marais.
Le cinéma français, c'est Henri-Georges Clouzot crachant son venin révélateur, qui met la lumière sur les âmes noires, pendant que Carné et Prévert confectionnent une lumière blanche nous rappelant notre Humanité malgré tout.
Le cinéma français, c'est des enfants se laissant aller à des jeux interdits, des amants entrant dans une auberge rouge, et surtout un Jacques Tati qui rêve d'une Amérique portant un casque d'or.
Le cinéma français, c'est la bande à Audiard et la bande à Truffaut qui tentent de lui donner une définition définitive, de façon Guerre Froide, autour d'un verre rempli de larmes de rires ou d'émotion.
Le cinéma français, c'est Bertrand Blier qui fait parler du siècle dans la bouche d'un comédien du Splendid, à l'aise, comme si les Trente Glorieuses ne concernaient plus que la politique de la France même.
Le cinéma français, c'est Luc Besson qui crée sa propre Sophie Marceau, Yves Montand qui embrasse la place de Coluche, c'est Christophe Lambert à la coupe improbable qui salue Gérard Depardieu sur fond de synthés.
Le cinéma français, c'est Canal + derrière Astérix, un monde qui se réouvre perpétuellement, tout comme le monde de la Guerre Froide se ferme. Et Jean Marais meurt.
Le cinéma français, qui vit encore malgré tout, oui, mais pour combien de temps ?