Moins puissant que As I was moving ahead, parce que les réminiscences de Mekas ne se focalisent pas autant sur sa vie personnelle, les deux films ayant différentes lignes directrices. Ici, il se dégage assez nettement le sentiment que Mekas se concentre avant tout sur la justification du dispositif qu'il met en place : il tâtonne, il expérimente, il joue à l'alchimiste avec son montage et sa bande-sonore, les thématiques traités sont assez hétéroclites... On sent le labeur, les ficelles qui soutiennent l'édifice sont ostensiblement et intentionnellement laissés visibles, le style n'est pas encore arrivé à maturité.

Mais ce qu'il perd en introspection, Mekas le gagne en zeitgeist. Il fait vivre et prend le pouls de ce New York de la fin des '60s, de la Factory, du Village bohémien, des Edie Sedgwick, des Gerard Malanga, du Velvet... Son montage s'adapte au rythme effervescent et effréné de son sujet (ou bien est-ce le contraire ? ), et qui a déjà écouté "Venus in Furs" en maudissant d'être né à la mauvaise époque sera comblé sans trop d'effort.

Ce qui frappe aussi, c'est une certaine linéarité du film, qui lui donne presque un fil narratif. Mekas alterne séquences de ruche urbaine et excursions champêtres en famille, des scènes de fête dans le SoHo sont interrompues par un passage sur une poignée de manifestantes contre la guerre au Vietnam restant pendant des heures debout sous la neige (et qui sera repris plus tard dans le film, cette fois-ci juxtaposé à des images de John et Yoko faisant la révolution de leur lit)... Sans avoir l'air d'y toucher, Mekas documente et commente son époque, avec la lucidité et l'ironie que seul un expatrié peut avoir sur sa terre d'accueil.

Je ne sais pas si Mekas est un génie, tant sa démarche paraît simple comme le monde, mais son geste esthétique est à mon sens ce vers quoi tendait le cinématographe depuis son invention au crépuscule du siècle précédent, quelque part dans une usine lyonnaise.
Garrincha
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le 16 juin 2013

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