Contrairement aux dires d'un certain nombre d'observateurs, faire un film sur l'affaire DSK était loin d'être une mauvaise idée. De par son ambiguïté, son importance sur la scène publique et le message qu'elle pouvait transmettre. Malheureusement, Ferrara fait une erreur capitale : il choisit de prendre parti. Pour le réalisateur de Bad Lieutenant, DSK est coupable, DSK est un porc, un obsédé sexuel, un violeur. C'est toujours intéressant de donner son avis, mais malheureusement, le sujet de Welcome to New York ne le permettait pas vraiment. Ferrara ne semble pas s'être posé la question de ce qui a déclenché les passions dans l'affaire Strauss-Khan : ce n'était pas de suivre les déboires d'un fêtard notoire, c'était surtout le fait qu'on ignorait s'il était coupable ou non du "viol" de Nafissatou Diallo. À partir de là, Welcome to New York perd tout ses enjeux narratifs. À moins d'être un scénariste de génie, ce que Ferrara ne semble pas (plus ?) être, il devient alors quasiment impossible d'intéresser le spectateur qui se retrouve devant un film alignant scènes de débauche, de viol et de discussions stériles.
Un film peut prendre parti, ce n'est pas la question. Une "histoire vraie" peut ainsi être traitée objectivement ou subjectivement - dans le cas présent, le choix était moins évident. Parce qu'en choisissant de traiter de son point de vu un thème précis, et surtout aussi exposé que celui-ci, il est de mise d'aller plus loin que la simple dénonciation bête et méchante. Ferrara pointe du doigt l'homme, mais semble perdre de vue qu'il est en train de réaliser un film. À force de scènes subversives, de dialogues sans intérêts qui visent le plus souvent à simplement souligner (comme si on ne l'avait pas compris) que Welcome to New York retrace l'affaire Strauss-Kahn, le film perd tout ce qui aurait pu faire sa force. N'essayant jamais de s'intéresser à l'homme, de tenter de percer à jour ce personnage en y insérant une certaine forme d'humanité, ou juste d’ambiguïté, Ferrara dessine un monstre. Un monstre vulgaire, sexiste, violeur. DSK correspond t-il à cette description ? Peut-être, peut-être pas, mais là n'est pas la question. Il est autre chose, il est bien plus que ça, et réduire son modèle de pensée à un cadre aussi réduit, en ne prenant aucun recul face à sa propre opinion sur le sujet, Welcome to New York devient rapidement aussi nauséabond que le personnage dont il raconte l'histoire. Pas besoin de présenter Strauss-Kahn (aka Devereaux) comme un héros, non, on demandait juste à Ferrara juste d'essayer de créer une empathie pour ce personnage - La Chute l'a fait avec Hitler, Thank You For Smoking l'a fait avec l'industrie du tabac, Scarface l'a fait avec Tony Montana, Ferrara l'a lui même fait avec Bad Lieutenant et King of New York. Ce qui aurait pu être une descente aux enfers passionnante se cantonne à une simple reconstitution très subjective d'un fait divers, ce qui aurait pu être un grand film n'est au final qu'un article provoc' de presse people.
À part ça on a un Depardieu en roue libre qui correspond à l'image que veut donner son réalisateur du personnage (ça lui va bien, d'un côté), qui en plus de ça surjoue constamment et n'arrive pas à aligner deux phrases sans paraître ridicule (le « Qu'ils aillent tous se faire enculer ! » est déjà culte), une mise en scène sans ambition qui ne vise qu'à appuyer le propos raté du métrage, ressemblant même, dans sa première demi-heure (les mauvaises langues diront que c'est le cas pendant tout le film), à un vulgaire film porno (bien sur, le scénario n'aide pas). Seul point relativement intéressant : Jacqueline Bisset, qui à défaut de livrer une performance mémorable, est bien plus percutante dans son jeu que Gérard.
Welcome to New York est un pétard mouillé. Un réalisateur talentueux qui se prend le mur en restant focalisé sur son propre avis de l'affaire. La curiosité laisse place à l'ennui, et passé la fameuse scène du Sofitel on cherche un enjeu auquel se raccrocher, désespérément : il n'y en a pas. Ferrara a fait l'erreur de donner la conclusion de son film dès l'écran titre : DSK est coupable, point barre. Pendant les deux heures qui suivent, il tente vainement de remplir son scénario avec ce qu'il peut. Une scène de sexe par ici, un viol par là, entre les deux un monologue de Depardieu. Que Ferrara soit dans le vrai ou non, ça na guère d'importance, car il a eu définitivement tort de traiter son sujet comme ça. Insupportable, rabâcheur, et bien plus idiot qu'il n'est provocateur, Welcome to New York c'est surtout beaucoup de bruit pour rien.