Critique rédigée en juin 2019


Shakespeare a réhabilité le mythe de Roméo et Juliette à travers une tragédie en 1597. Quatre siècles plus tard, en 1957, Leonard Bernstein l'imite avec la comédie musicale West Side Story, portée au cinéma en 1961 par le réalisateur Robert Wise et danseur-chorégraphe Jerome Robbins.
Dans ce film patrimonial issu de l'histoire américaine des Kennedy, la mise en scène de Shakespeare est transposée à New York dans les années 1950. Au même titre que les deux familles ennemies Montaigu et Capulet, les Jets et les Sharks, deux bandes rivales, occupent leurs journées à se battre avec rage et glamour. Pourtant, le jour où deux oisillons (Richard Beymer et Natalie Wood) aux plumages différents tombent amoureux l'un de l'autre, l'histoire des deux bandes va se retrouver en plein coeur d'un affrontement sans pitié...


L'œuvre de Bernstein et Wise (je me dois d'écouter la composition du musical de 1957 suite au visionnage du film...) se concentre non seulement sur l’amour mixte à travers les séquences de tendresse unissant Tony et Maria, mais en plus sur l'amour des racines d'une communauté symbolisant un pays étranger ; ici d'origine est-européenne chez les Jets et hispanique chez les Sharks. Pour chacune de ces communautés immigrantes, quelconque relation amicale ou sentimentale est impossible puisque chacune souhaite prouver à l'autre qu'elle est la plus puissante pour prendre possession d'un terrain qu'elles partagent en plein New-York.
Or pour Tony et Maria, l'amour est une force violente qui substitue toutes les autres valeurs, telles que les valeurs familiales. Au cours de l'histoire, chaque chanson amènera les jeunes amoureux à rendre compte de leur désobéissance face à leur milieu social, leurs racines et les oppositions entre les deux bandes.


Chaque séquence offre une belle part de frissons grâce à l'énorme richesse des décors, des costumes et des mouvements. Certaines, plus particulièrement la séquence muette ouvrant le film ainsi que Quintet


(précédant la bagarre au couteau, NDLR)


sont pratiquement semblables à un dessin animé Disney tant les couleurs sont vives (cela va de soi pour une comédie musicale en même temps), les images animées et le rythme aussi prompt. D'autres, plus douces, accompagnent à merveille le malheur des deux héros au cour de leur situation individuelle, alors que la plupart des séquences musicales reflètent davantage les bornes imposées par leurs bandes (Jet Song).


Finalement, au même titre que le meurtre de Tybalt par Roméo, Tony tue le meneur des Sharks: Bernardo (George Chakiris) et finit par être assassiné par un autre membre de la bande ennemie (substituant ainsi le poison avalé par les deux amants de Vérone). Cette séquence montre que la haine entre les clans est inévitablement suivie par la mort, en guise de sentence.


La morale de Shakespeare est éternelle.

Créée

le 18 déc. 2020

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