Qui a la plus grosse (vitesse de frappe) ?
Je ne connais pas l'univers des concours de Big Band, mais quand même, j'ai pu m'empêcher de tiquer quand un batteur de jazz ne peut pas jouer sans sa partition. Jazz ? Batterie ? Partition … 'da fuck ? Mais bon admettons, au fond le réalisme je m'en fous un peu, puis c'est peut-être vrai.
Mais ça révélait toute l'ambition du film. La musique est écrite sur un bout de papier qui dicte tout. Le musicien lui n'a qu'un seul but, arriver à la jouer «correctement», arriver à un point de maitrise technique que lui permet de rentrer dans la case «légende». Parce qu'il existe la vraie bonne façon de jouer du jazz, elle est impersonnelle, définie à l'avance par un prof' à Shaffer. Ici on «interprète» pas, on en chie.
À partir de là se livre un duel ridicule, bardé de clichés à vomir, sur le dépassement de soi et le rapport au maitre. Symbole de la dureté des maitres ? Des insultes, des insultes, et encore des insultes comme si il en pleuvait (bien écrites, certes). Mais attention hein, il est gentil quand il écoute de la bonne musique, ce n'est pas qu'une brute épaisse, le maitre. Symbole de la douleur physique et morale ? Du sang sur les peaux (t'as compris ? ça fait mal d'être bon on te dit). Symbole de la difficulté de la musique ? Jouer à 400 bpm.
Voilà toute la subtilité du film, tout ce qu'il en reste. La morale, c'est que ça valait bien le coup de pousser un élève au suicide et de manquer de crever dans un accident de voiture, pour trouver le mec qui peut bourrinner son kit pendant 10 minutes sans interruption. Mais bon, le monde moderne comprendra jamais ça. Des blaireaux comme moi comprendrons jamais qu'il faut accepter quelques pertes si on veut que ce monde connaisse la vrai musique trop dure à jouer.
Chazelle voit le Jazz comme il voit le ciné, un concours de technique. Performance d'acteur, grande photo, intensité émotionnelle… et le propos dans tout ça ? Que veut dire Chazelle en déballant toute sa technique comme on déballerait son énorme engin à un concours de bite ? J'ai beau avoir été le plus mauvais batteur de jazz du monde, j'avais bien compris que ce qui faisait la différence entre Tony Williams et moi, c'était pas vraiment une question de vitesse à laquelle bougent les baguettes…
Du coup Chazelle élude toutes les potentialités du film, alors qu'elles étaient servies sur un plateaux. J'aurais aimé qu'on me parle de ce mec qui n'a pas vraiment eu de carrière pro et qui s'en prend à ses élèves. J'aurais aimé que quelqu'un se demande depuis quand c'est ce connard même pas prof' qui décide de ce qui est le bon jazz.. J'aurais aimé qu'on remette en cause l'abrutissement technique et hiérarchique quand un air de jazz accompagne un petit diner romantique. Et puis le public tiens… qui écoute sa musique ? Personne, il joue tout seul. Le seul but de la musique c'est de se dépasser intérieurement, jouer pour les autres, c'est ringard.
Bref, je pourrai cracher encore longtemps sur ce «50 shades of drums», film putassier au possible (mais au moins 50 shades assume d'être un film sur la masochisme). Dommage, dommage, parce qu'il y tout pour réussir…