On croyait Gregg Araki revenu à ses folies colorées avec son précédent film Kaboom, sidérant teen-movie complotiste ancré dans la génération 2.0. Loupé, notre homme renouant ici avec la gravité de son Mysterious skin. En théorie, tout du moins...
Fait d'enquête policière, d'étude de mœurs et de drame intimiste, le mélange offert par White Bird s'opère via le portrait d'une adolescente dont Araki prend le parti, d'une voix off très présente à des dialogues privilégiant son point de vue. Presque un film à la première personne, alors que l'oeuvre dépeint des protagonistes intimement liés. Liés, ou plutôt enserrés dans une petite ville dont la jeunesse veut s'échapper aussi sûrement que celle qui errait dans le bourg désert de Mysterious skin. Référence visuelle à la fameuse pluie de céréales qui ouvrait ce drame de 2004, l'introduction de White Bird ne cache aucunement sa filiation.
De même, Araki use à nouveau d'allers-retours temporels entretenant le doute. Le personnage d'Eva Green aurait-il organisé sa propre disparition ? Ou, pourquoi pas, aurait-il été enlevé par des extraterrestres ? Après tout, les conclusions de Nowhere et de Kaboom ont déjà prouvé que l'homme est capable de ruptures de ton insensées. Mais c'est bien Mysterious skin qui donne le la à White Bird, tous deux déroulants par ailleurs leur action sur plusieurs années. Nettement moins envoûtant que son aîné, les fautes de goût du second n'en sont que plus flagrantes, du traitement caricatural des deux ami(e)s de l'héroïne à un personnage dont la brutalité peine à convaincre.
On pense également à ce twist final résolvant un mystère qui fonctionnait mieux avec ses zones d'ombre. Un rebondissement qui mène néanmoins à l'une des meilleures scènes du long-métrage, soit un "dialogue" où deux protagonistes se parlent enfin à coeur ouvert, aux rires incessants de l'un répondant la violence irrationnelle de l'autre. Féminin par essence, White Bird oscille constamment entre deux personnages : la mère et la fille (excellentes Eva Green et Shailene Woodley). "You look like me when I was you", dit par mégarde la plus âgée à l'adresse d'un corps qu'elle admire et jalouse, avant de rectifier : "You look like me when I was your age". Une phrase à double sens qui en dit long sur l'état d'une femme qui abhorre son quotidien.
Oeuvre mineure dans la filmographie d'Araki, White Bird paye le prix d'une trame loin de posséder la force de son aîné Mysterious skin. Mais l'homme puisant ici dans son propre travail pour en atténuer la radicalité, on peut aussi y voir le désir de s'adresser à un public plus large. Ce que le délirant Kaboom ne pouvait effectivement lui assurer, malgré sa présence au 63e festival de Cannes.
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