Après deux films dont la profondeur et la portée m'ont échappées, Araki semble renouer avec ses anciennes amours en dépeignant dans White Bird l'adolescence. Seulement, on ne suit pas tant ici les tribulations d'un groupe ( Totally Fucked Up, The Doom Generation) que celles d'une personne, Kat, une jeune fille qu'on regarde grandir et devenir femme. Tant les héros de ses précédentes oeuves semblaient livrés à eux mêmes et perdus, l'héroine est ici entourée et des amis, des amants, des parents. Ou un parent, car manque sa mère qui a disparu, et au sujet de laquelle elle s'ouvre à sa psy. Ces échanges sur le canapé de sa thérapeute sont l'occasion de revenir sur ses émois amoureux, ses ébats, mais surtout sur la relation conflictuelle que sa mère et elle entretenaient.
Les parents sont ici interprétés par Eva Green et Christopher Meloni, duo qu'on a pu retrouver déjà dans Sin Sity ( en tant qu'Ava Lord et le policier Mort), et toujours aussi dérangeant et fascinant. Les personnages que campe Meloni sont toujours en proie à une véritable détresse psychologique, une impuissance totale face à ceux d'Eva Green qui sont castrateurs, manipulateurs, égocentriques, mais tellement beaux qu'on ne peut que désirer et se soumettre à la tyrannie - et avec plaisir encore - de cette Wanda des temps modernes.
Bref, Eva Green, Eve Connor n'est pas seulement exécrable avec son mari ( mais il faut la comprendre, ce rôle de femme au foyer l'ennuie et lui pèse ), elle l'est aussi avec sa fille, en laquelle elle voit un reliquat de ce qu'elle était quand elle était jeune. La jalousie la ronge, et elle se transforme en mégère, en harpie qui ne sourit plus que quand elle ne se sent plus vieille, en flirtant avec le petit ami de la chair de sa chair par exemple. On pensera que cette aigreur aura poussé Mrs Connor à quitter sa famille, et tout le monde finira par s'en convaincre, avant que des événements ne viennent tout remettre en question.
Araki propose avec White Bird un film pas trop mal, ( comme il n'en avait pas proposé depuis Mysterious Skin ), plein de poésie, dans lequel on retrouve des thèmes qui lui sont chers ( l'adolescence, les relations, la disparition d'un être cher ), mais traités de façon beaucoup moins crue, beaucoup moins brusque, beaucoup moins violente ( ce qu'on peut déplorer, car cela faisait le charme ). Le scenario, original, est porté par de quelques bons acteurs - je pense surtout à Eva Green et Shiloh Fernandez, qui rappelle Thomas Dekker, James Duval, Joseph Gordon Levitt, bien que lui ne soit pas le héros du film ( mais je ne suis sans doute pas tout à fait objective quant à leur jeu d'acteur ), et donne un film intéressant, à voir éventuellement.