Scorsese knocks at my door...
...et il a bien fait de le faire!
Ah les années 60 au cinéma! Quelle époque! La Nouvelle Vague française battait son plein entre les Truffaut, Godard, Chabrol tandis qu'à Hollywood, des réalisateurs comme Huston ou Perry transgressaient déjà les codes du cinéma classique. La modernité dominait le cinéma européen et américain et avec elle est apparu un nouveau langage cinématographique faite, pour reprendre Deleuze, d'images "sonores et optiques pures".
Fortement influencé par ses collègues américains et surtout par la Nouvelle Vague française, le jeune Martin Scorsese, fraîchement diplômé de la Tisch School of the Arts de New-York, transforme ce qui était à la base un projet de fin d'étude en long-métrage indépendant, tourné pour un budget dérisoire (75 000 dollars), et qui constituera le premier film de ce qui deviendra l'un des plans grands cinéastes de sa génération.
Malgré les quelques maladresses techniques essentiellement dues à l'image, "Who's that knocking at my door" confirme le talent de Scorsese en matière de réalisation.
Loin de posséder la hargne qu'auront ses futurs longs-métrages, le film, l'un des plus "sages" de son auteur, se contente de suivre la vie d'une petite frappe, J.R (interprété par le tout jeune Harvey Keitel), décidant de se ranger dans la vie en épousant une jeune femme. "Who's that knocking at my door" ne possède pas véritablement d'intrigue, cette dernière étant minime. Scorsese préfère nous plonger dans la psychée d'un homme tiraillé par ses convictions religieuses et l'amour d'une femme.
En ce sens, on ressent fortement l'influence "Nouvelle Vague" tant certains plans mentionnent aussi bien "Les 400 coups" de Truffaut qu'"A bout de souffle" de Godard. Cependant, en alliant moult références cinématographiques, que ce soit le cinéma classique hollywoodien de par les sujets de conversations entre J.R et sa dulcinée ou le cinéma moderne dans la mise en scène et le montage (fragmentation du récit en plusieurs espaces temps, expérimentations visuelles et consort), Scorsese parvient à trouver son propre style et à inculquer un charme à cette histoire d'amour.
Loin de s'intéresser aux affects transmis par l'histoire, Marty se concentre plutôt sur les sensations que peuvent inculquer les images et le son au spectateur. En ce sens, l'expérimentation est réussie. Dès les premières secondes, la puissance des images nous scotche pour nous retenir jusqu'au générique final. Chaque minute est synonyme d'idée de montage (certainement du aussi à Thelma Schoonmaker) et de mise en scène ce qui fait de "Who's that knocking at my door" un film riche concernant les expérimentations techniques, renvoyant aux états d'âmes du héros principal et à sa perdition constante dans une vie ou il ne trouve pas sa place, entre religion, amis, et amour.
"Who's that knocking at my door" ouvre la filmographie de Scorsese avec brio, posant les thèmes chers au réalisateur tels que l'amitié, l'amour mais surtout le milieu de la criminalité agrémenté par quelques zestes de réflexion en lien avec le catholicisme. Un premier essai convainquant, annonçant les futurs "Mean Streets", "Taxi Driver", "Raging Bull" ou "Affranchis".