Après le raz-de-marée Dallas Buyers Club, la nouvelle étape de la carrière américaine de Jean-Marc Vallée était attendue au tournant. En décidant d'adapter au cinéma le roman autobiographique de Cheryl Strayed, Wild, le cinéaste québécois se heurtait pourtant à une comparaison de taille : Into the Wild, de Sean Penn, fer de lance du road movie écolo-randonno-américain de ces dernières années, et référence impromptue fortement ancrée dans l'inconscient collectif.


C'est sur les premières notes féeriques de El Condor Pasa que Wild s'ouvre. Une sorte de préambule décousu et pourtant d'une remarquable cohérence face à l'aventure qui nous attend. Le deuil, les regrets, les erreurs - tant de forces négatives s’abattent sur notre héroïne. Elle tente de riposter, d'abord, tente de survivre, puis découvre une porte ouverte à la liberté au coin d'une librairie : isolée du monde, écartée de ses démons, c'est une thérapie grandeur Nature dans laquelle se lance Cheryl. Il y aura bien des embûches, des pièges, tout semblant l'obliger à abandonner - mais elle continue, infatigable, persuadée que la solution se trouve au bout du chemin.
Sans jamais prendre son spectateur de haut, Vallée signe une fable familiale aux allures de tranche de vie désespérée. Un récit initiatique, oui, mais un récit initiatique tardif, sur la place d'un parent et le regard qu'on lui porte. Le giron maternelle s'estompe au fil des images, les amours de jeunesse s'éloignent lentement. D'une justesse émotionnelle fabuleuse, Wild est aussi un hommage à l'aventure et à la plus primitive des libertés : celle d'écrire son destin sans l'aval d'un autre. Witherspoon est fantastique, Laura Dern est bouleversante - deux femmes, deux époques, deux douleurs. L'une regarde l'autre comme l'héritage de ses rêves avortés, l'autre voit sa mère comme le martyr sacrifié sur l'autel de sa propre vie.


Plus rêveur qu'un Dallas Buyers Club, Wild conserve la même positivité lancinante dans un déluge de malheurs torturant ses protagonistes. Vallée est définitivement un auteur des hommes et des femmes trouvant l'espoir où beaucoup n'y auraient vu qu'une douloureuse fatalité. C'est beau, c'est touchant, souvent bouleversant, et surtout c'est d'une rare sincérité. Arriver à formuler une oeuvre aussi follement intéressante sur un sujet si essoré, il n'y avait que Vallée pour y arriver. Brillant.

Vivienn
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2015, Films (re)vus en 2015 et Top 10 des films les plus sous-estimés de 2015

Créée

le 2 févr. 2015

Critique lue 885 fois

16 j'aime

Vivienn

Écrit par

Critique lue 885 fois

16

D'autres avis sur Wild

Wild
eloch
6

"Ta seule ennemie, c'est toi"

Quand Black Swan est sorti au cinéma, l’hebdomadaire Télérama s’était posé cette question en Une : « Danser est-ce souffrir ? ». Pour Wild, c’est autre chose, il s’agit de vivre. Pour se remettre à...

le 16 janv. 2015

35 j'aime

5

Wild
Gand-Alf
8

La jungle de mon deuil.

De par son titre, son sujet, ses paysages sauvages et son affiche invitant à prendre la route sans attendre, le nouveau film de Jean-Marc Vallée rappelait dangereusement le magnifique Into the Wild...

le 15 janv. 2016

31 j'aime

2

Wild
JimBo_Lebowski
3

Vallée mieux rester chez soi

Quoi de mieux que de partir sur les routes pour oublier son chagrin ? Faire table rase du passé et marcher, s’arrêter, lire, penser, faire de nouvelles rencontres, c’est cool, mais en ce qui concerne...

le 21 janv. 2015

30 j'aime

17

Du même critique

Mr. Robot
Vivienn
10

Whitehat

USA Network n’a pas vraiment le pedigree d’une HBO ou d’une Showtime. Avec son audience vieillissante et ses séries sans prises de têtes, on peut dire que Mr. Robot ressemble à une anomalie dans la...

le 5 sept. 2015

275 j'aime

16

Avengers - L'ère d'Ultron
Vivienn
3

Nos héros

Le nouveau film MCU biannuel est donc le très attendu Avengers 2 – et encore, c’est un euphémisme. Après un premier volet (ou était-ce le sixième ?) globalement maîtrisé dans le style Marvel Disney,...

le 22 avr. 2015

228 j'aime

32

Stranger Things
Vivienn
4

Stand By Us

Dès sa longue introduction et son générique, Stranger Things donne le ton : on connaît cette musique, ces geeks à vélo et cette incursion du surnaturel dans le quotidien d’une campagne américaine. La...

le 16 juil. 2016

195 j'aime

21