Dans les années 90, suite au succès du Dracula de Francis Ford Coppola, plusieurs importantes productions hollywoodiennes reviennent sur les traces des classiques des monstres de l'horreur. Universal, la major traditionnel du fantastique, se tient à l'écart de ce courant, ne se lançant que très prudemment dans cette démarche avec une petite série B d'aventures : La Momie de Stephen Sommers qui s'avère un succès inattendu et amorce une franchise juteuse. Une renaissance du genre est alors tentée avec Van Helsing du même metteur en scène qui, en dépit de ses qualités, déçoit commercialement.
The Wolfman est un projet apparu au milieu des années 2000 et porté essentiellement par l'acteur Benicio Del Toro, lequel s'avoue grand fan de The Wolf Man de 1941, le plus connu des films de loup-garou sorti chez Universal. Il s'agit donc d'un remake mais, cette fois-ci, le studio se montre prudent, en particulier quant au budget du film, modéré.
La réalisation de The Wolfman est confié à Mark Romanek, surtout spécialisé dans les clips musicales. Son précédent long métrage, One Hour Photo, avait rencontré un certain succès d'estime. La production de The Wolfman s'éternise, et les différents artistiques s'accumulent, tant et si bien que le metteur en scène quitte le projet à peine quelques semaines avant le tournage.
Joe Johnston, artisan consciencieux des effets spéciaux et du cinéma fantastique (nous lui devons The Rocketeer, Jumanji ou encore Jurassic Park III) prend la relève dans l'urgence. Une fois tourné, le film connaît encore une post-production difficile, avec l'ajout de nouvelles scènes et l'arrivée de divers monteurs à la rescousse.
Même le compositeur Danny Elfman sera brièvement remplacé par Paul Haslinger mais le studio décide finalement de revenir à la partition d'Elfman un mois avant la sortie du film après avoir estimé que la musique électronique du second est inadaptée.
Au-delà de ces soucis de production, The Wolfman s'ouvre tel un hommage direct au The Wolf Man de 1941, en citant à la virgule près le célèbre petit poème déjà entendu dans le film de George Waggner. Nous retrouvons une histoire de lycanthrope totalement gothique, allant même jusqu'à inscrire l'action dans le XIXème siècle anglais, alors que tous les grands films de loup-garous américains se déroulent à une époque contemporaine.
Lawrence Talbot, acteur de théâtre, rentre en Angleterre, au manoir de sa famille, après avoir appris la mystérieuse disparition de son frère. Il apprend que, peu avant de disparaître, son frère s'était rapproché de gitans campant dans la région.
Du point de vue de l'atmosphère, il faut reconnaître que c’est une réussite. Le manoir Talbot, décrépi et silencieux, se dresse devant une lugubre forêt desséchée, parcourue par des brumes. Au village de Blackmoor, les paysans parlent à voix basse de terribles légendes. Dans le camps des gitans, l'inquiétante Maleva (Geraldine Chaplin, fille de Charlie Chaplin, remplace Maria Ouspenskaya) raconte à voix basse d'effrayants secrets au voyageur égaré. Nous retrouvons les personnages du film d'origine, dans une ambiance et un récit à la base très semblables.
Pourtant, The Wolfman réserve des surprises inattendues au spectateur familier de The Wolf Man. Ainsi, nous trouvons une spectaculaire évasion du loup-garou dans Londres, de nuit qui n'est pas sans rappeler King Kong, ainsi que la fin de An American Werewolf in London. Il faut dire que le dénouement du film de John Landis est lui-même un hommage à King Kong, logique.
Plus étonnant encore, l'identité du loup-garou, celui qui mord Larry Talbot, s'avère changée. Les gitans prennent alors une place plus secondaire dans le récit favorisant le développement des Talbot et ses querelles père / fils. Anthony Hopkins digne successeur de Claude Rains livre une performance très convenable.
Curieusement, Benicio Del Toro, acteur talentueux ne parvient pas à dégager toute l'empathie nécessaire, qui plus est, le couple qu'il forme avec Emily Blunt manque singulièrement de chaleur.
Ce conte gothique intéressant a le mérite de redonner un visage humain au loup-garou, en particulier grâce à un superbe maquillage signé Rick Baker. Celui-ci s'éloigne des monstres aux allures très bestiales comme dans son An American Werewolf in London et revient à un maquillage dans la tradition de celui créé par Jack Pierce dans The Wolf Man. Un faciès structuré essentiellement autour du visage de l'acteur, et allant jusqu'à lui restituer la fameuse petite truffe qui ornait le bout du nez de Lon Chaney Jr. En 2011, Rick Baker remporte même une nouvelle fois l’Oscar des meilleurs maquillages comme pour An American Werewolf in London.
Le budget a explosé à cause de la pré-production et de la post-production. D’ailleurs il se vautrera au box-office ce qui poussera Ronald Meyer, le président d'Universal Pictures de l'époque, a qualifié The Wolfman de merdique et le considère comme un des pires films qu’il n’a jamais fait.
Le moins que l’on puisse dire c’est que le potentiel de The Wolfman est un peu gâché par des décisions artistiques discutables, aboutissant à un résultat trop hésitant pour convaincre complètement. Cette courageuse tentative de revisiter le mythe du loup-garou n'est pas pour autant méprisable ou scandaleusement ratée.