Une image frappe, singulière. Face à un drone qui l’a repérée, une femme décoche une flèche. L’engin, humilié, presque animal, semble se débattre alors qu’elle le tire au sol et l’achève à coup de pierre. Victoire de l’Homme sur la machine, de l’archaïque sur l’ultra-moderne. Le ton est donné.
La guerre qu’évoque le titre, c’est celle que mène Halla, prof de chant et terroriste écolo, contre l’industrie l’aluminium locale. L’énergique quinqua ne recule devant rien pour protéger sa chère terre islandaise des ravages environnementaux. Mais les autorités sont à ses trousses, et son désir de maternité pourrait tout faire basculer…
Benedikt Erlingsson réussit un très beau portrait de femme (Halldora Geirhardsdottir, sobre mais juste), une Amazone lucide, fiévreuse, portée par l’urgence d’agir, déchirée entre son désir de maternité et l’horreur du monde qu’elle transmet en héritage. Véritable OVNI cinématographique, son Woman at War est une tragédie poético-absurde, engagée, portée par un humour féroce. Le message peut sembler facilement consensuel (il faut protéger la planète), il se révèle au contraire plus ambigu qu’il n’y paraît. La violence est-elle acceptable quand la cause est juste ? Peut-on sauver le monde contre la volonté générale ? Halla elle-même, dans la lutte qu’elle mène contre le “monstre froid” capitaliste, tord le cou à certains de ses principes : la diffusion de son manifeste ressemble à un happening, et elle n’hésite pas à prendre l’avion pour aller chercher une enfant en Ukraine.
D’où vient ce sentiment d’étrangeté ? Peut-être des paysages islandais, grandioses. Ou de la musique, mélodies traditionnelles scandées par une sorte de choeur antique. Ou peut-être encore du tableau de cette société islandaise, tolérante et paisible, que l’on ne parvient pas à imaginer ravagée par la montée des mers. Jusqu’aux ultimes minutes, aussi belles que terribles, annonciatrices du drame qui attend les futurs réfugiés climatiques...