X est un film d'horreur qui joue perpétuellement sur deux tableaux. Tout semble à la fois comparable et opposable et, cette ambivalence presque perpétuelle doublée d'un véritable sens de la mise en scène donnent à ce film d'horreur classique sur le fond, assez de moments surprenants où tout semble possible, pour le transformer une petite pépite d'imprévisibilité.
D'un côté, Ti West nous offre une introduction très classique en faisant démarrer son film par le résultat du massacre avant le massacre lui même. De l'autre, il ouvre les hostilités sur un bon vieux format 4:3 qui vient doucement s'élargir comme pour rattraper les années qui nous séparent de la temporalité du récit et il nous offre un shérif aussi mutique qu'intriguant de par son absence de réaction face aux macabres découvertes. On a presque l'impression de découvrir un personnage qui jouera un rôle primordial dans la suite du récit.
De la même manière, le réalisateur va opposer la futilité d'une équipe prête à profiter de l'arrivée de la VHS pour faire rentrer le porno dans les foyers américains à des personnages bien moins superficiels que prévu. Aux prémices d'une industrie lucrative scabreuse, on suit ces rêves de grandeur, ces petites tensions, ces piques gentiment adressées, ce besoin de reconnaissance entre envies et désirs. Jusqu'à leur passé, tout vient ponctuer le récit pour rendre très rapidement le petit groupe attachant.
Mais bien plus que cette apparente légèreté, c'est le malaise instauré doucement par ce couple de personnes âgées qui va jouer avec nos repères. Et Mia Goth symbolise à elle seule ce grand écart perpétuel (ici générationnel) puisque l'actrice incarne aussi Pearl, cette vieille dame immédiatement intrigante aux intentions douteuses. Et tout va se mettre en place doucement dans une ambiance glauque entre voyeurisme et découverte de l'autre jusqu'à une séquence aussi touchante que surprenante sous les accords de guitare de Kid Cudi (Jackson) et la voix de Brittany Snow (Bobby-Lynne) où viennent se télescoper les possibilités et les espoirs d'une jeunesse embrassant son futur et l'amertume des années révolues. Maxine, toute cocaïnée qu'elle est, se convint de tout ce qu'elle obtiendra quand Pearl fait face à ce qu'elle a perdu.
Véritable point de bascule du film qui par son propos m'a rappelé Relic, c'est à partir de là que X opère un virage à 180°, sans nous prévenir alors qu'on l'attendait, pour plonger dans le survival gore sans concessions. La violence est froide et la caméra ne s'en détournera pas.
Ainsi, si le déroulement ne nous laisse aucun doute sur la manière dont tout cela se terminera, Ti West réussit à nous tendre des pièges et à nous surprendre perpétuellement grâce à sa mise en scène inspirée s'appuyant sur un classicisme en forme d'hommage. Que ce soit dans la manière dont tout ce petit monde se fera trucider, principalement grâce au caractère imprévisible de Pearl, déboussolée par ses désirs inassouvis, ou au travers de scènes malaisantes où la décrépitude des corps semblent être le véritable ennemi, on peut dire qu'on assiste ici à un déjà-vu comme on en a rarement vu. Comme quoi, la patte d'un réalisateur peut parfois faire la différence et transcender la lassante habitude en véritable découverte.