Il existe des situations si invraisemblables mais pourtant bien réelles qu'il est inutile pour un scénariste de prouver son talent d'imagination et qu'il suffit juste de tourner un documentaire pour en faire le récit ou comme le disent les anglosaxons dans leur art unique de la formule laconique "Bigger than life".
C'est exactement le cas ici !
Documentaire étourdissant tant son sujet nous parait à nous occidentaux impossible à appréhender, nous suivons littéralement le stage d'un jeune japonais au sein d'un clan de Yakuza. Mythique mafia à la sauce nippone dont on peine sous nos latitudes à imaginer la place au Japon, nous qui avons un rapport radicalement opposé à nos organisations criminelles. Je pense d'ailleurs que pour compléter le visionnage de ce film il serait intéressant d'écouter le podcaste intitulé "Gang Stories" et plus particulièrement son sixième épisode consacré aux Yakuzas, leur histoire, leur origine, leur rapport avec la société japonaise qui constituera un excellent supplément.
Une mère qui désespère de voir son fils déscolarisé, sans emplois, faire quelque chose d'autre de sa vie que passer ses journées à ne rien faire, décide de le confier au chef local du clan de Yakuzas qui gère son quartier. Rien que le postulat de départ me semble dingue et digne d'un scénario de film de série B.
Nous assistons donc à l'entretien d'embauche de ce jeune mené par le parrain en personne, nous le suivons à travers sa progression au sein du clan et rapidement tant dans les situations dépeintes que dans les discours des différents membres du clan, le parallèle avec le monde de l'entreprise saute aux yeux.
Une hiérarchie à respecter, des process à enregistrer et reproduire, des soucis de gestions du personnel, des questions d'ordre sociétales, un patron qui doit composer avec une obligation de résultats, des impératifs législatifs contraignants et son personnel etc.
L'on comprend dès lors très vite qu'à la différence de l'occident qui par soucis d'éthique préfère cacher les liens étroits, ne serait ce que dans la façon de fonctionner en interne, qui unissent les grandes organisations criminelles et les grandes sociétés capitalistes, toutes les deux souhaitant ardemment par exemple des législations moins contraignantes et toujours plus de libéralisme pour toujours plus de profit, quand au Japon il est acté depuis longtemps que ces liens existent et qu'il faut faire avec, d'ailleurs il est dit à un moment dans le film par le chef de clan en personne que longtemps la police était chargé de faire respecter la loi la journée, les yakuzas se chargeant eux de l'ordre la nuit, une chose qui suite aux pressions américaines notamment, ce pays toujours prompt à exiger des autres plus que de raison, a changé et qui oblige les clans yakuzas à revoir leurs fonctionnements historiques et traditionnels. On retrouve aussi tant dans le monde interlope du banditisme que dans celui du grand capitalisme le culte du secret, il y a ce qu'on accepte de montrer, de communiquer que ce soit au public, à ses actionnaires ou membres et les décisions prises dans les secrets des assemblées générales qui régiront la vie et les décisions stratégiques futures de l'entité dont on se réclame.
Le documentaire tient un sujet si incroyable qu'il n'a nul besoin d'artifices de réalisations tapageurs, le scénario se déroule, nous étonne, puis nous questionne et enfin nous fascine et on imagine alors pour la blague envoyer un de nos enfants en stage d'apprentissage chez une antenne locale de la mafia où contre toute attente il apprendrait les usages et les comportements qui feront de lui un homme près à intégrer le monde professionnel, à abandonner l'insouciance de l'adolescence. Paradoxal surtout que lors de son stage il ne participe pour ainsi dire à aucune exaction criminelle.