On peut voir ce film comme un gadget inutile et sophistiqué, une bidule plein de prétention, de faux style, servi par une mise en scène grotesque.
Ou on peut apprécier ce film pour sa force.
Force absurde tout d'abord ; car pour traiter ce sujet toujours délicat (la fin d'une vie et toutes les souffrances psychiques que cela implique) Sorrentino nous livre une leçon de mise en scène absurde.
Avec un sens du plan toujours singulier, une esthétique très symétrique et léchée, une direction d'acteur lunaire...

Force du scénario ensuite ; en effet, et c'en est très troublant, il ne semble pas y avoir une quelconque trame dans ce récit, un quelconque fil conducteur. Le film passe d'une scène à une autre avec beaucoup d'aisance mais sans effet de transition, déroutant parfois le visionnage. Les scènes se suivent les unes les autres sans rien de plus à ajouter. De nombreuses scènes sont, on pourrait de prime abord le penser, purement inutile, ne servant qu'à l'exposition d'un style, d'une plastique d'image hors du commun. Et pourtant, il y a dans ces scènes silencieuses, souvent musicales, parfois burlesques, un jeu émouvant et fort de regards qui prouve la force des comédiens. en mêlant pudeur et érotisme, Sorrentino crée un univers bizarre, souvent déroutant, mais toujours attachant. Les déboires comiques et émouvantes de ces deux papys, magistralement interprétés par Caine et Keitel (Caine est tout bonnement brillant, il faut le dire) croisent des destins brisés, d'autres vies compliquées, et se mêlent ainsi dans une pâte colorée toutes les souffrances, les pensées des personnages. On peut trouver l'ensemble un peu déconstruit et indigeste, mais il en résulte pourtant une puissance de construction et d'organisation puissante.
Force de la musique ; car si Sorrentino accumule les scènes silencieuses, il les remplit souvent d'une BO extraordinaire qui sublime chacune des scènes. Si l'usage de musique peut sembler parfois un peu trop fréquent, sorte de remplissage de lacunes (apparentes) de scénario, on ne peut que se laisser prendre par la force symbolique qu'a l'union des sons, des mélodies et des images dans ce film à l'esthétique décidément osée et assumée.
Le résultat n'est pas sans faiblesses : une fin qui brode et brode à l'infini et semble ne jamais conclure, des variations de ton parfois mal équilibrées...
Mais on les dépasse par une histoire de vies berçante, puissante et émouvante, qui donne à voir le vieil âge d'une toute autre façon.

Créée

le 29 sept. 2015

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Charles Dubois

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