Errance d'un scénariste et d'un maestro

Il est des films que l'on souhaite défendre. Des films qui nous ont touchés, et l'accueil véritablement mitigé que les critiques (ici ou ailleurs) lui ont fait me tiennent dans l'obligation de vous faire un retour.


La Giovinezza, ode à la jeunesse, à la femme, au désir, à l'amour, au temps, à l'esthétisme. Verticalité de l'âge, horizontalité du temps, tout dans la caméra de Sorrentino nous rappelle à ces notions. Ces perspectives infinies contrastent les courbes finies des corps, somptueux rappel de la beauté du vivant, à l'image de cette "symphonie des cloches" que le maestro jouera à huit-clos.


Micheal Caine et Harvey Keitel offrent un jeu subtil, tout en retenue. Le regard perdu dans les méandres du temps, ces deux octogénaires à l'amitié indéfectible portent un récit aux dialogues croustillants. Une bien belle amitié, où l'on ne dit que les choses agréables.


L'univers baroque sied particulièrement bien à l'ensemble et nous titille d'un humour british bienvenue. Et que dire de la représentation de la femme, centre du métrage? C'est une thématique qui me parle, car je vous aime, vous les femmes. J'aime que l'on aborde vos forces et vos faiblesses. Ici chaque aparté vous met à l'honneur, tantôt victime, tantôt claquantes; tantôt mouvantes, tantôt grinçantes. Des portraits multiples, jamais vulgaires, pleins de vie et d'audaces.


On relève malgré tout quelques fautes de goût, notamment la scène de la pop-star dont je n'ai toujours pas compris l'objectif et qui contraste avec la sophistication du reste de l’œuvre.


Notons également la présence de quelques ressorts scénaristiques trop appuyés. Je pense à la mort du personnage de Keitel qui ne sert en rien le récit.


Cependant, s'arrêter sur ces quelques errances serait à mon sens oublier l'essentiel. J'ose le dire et l'affirmer, j'ai été hypnotisé; par le monologue de la magnifique Rachel Weisz à son père, glaçant de véracité; par les pérégrinations des scénaristes et la scène absurde "des actrices de Keitel"; par le visage dépourvu d'âme de Mélanie; par les corps de tout âge montré sans pathétisme; par le regard posé sur la prostitution sans jugement et par ce silence final qui m'a coupé le souffle.


Bref. Un film qui m'a transporté, que je surévalue peut être, et le fait que ce soit mon premier Sorrentino n'y est sans doute pas pour rien. J'assume pleinement, et je crie au monde que le désir prime sur l'horreur. J'applaudis, et m'en vais au spa. Peut-être y croiserai-je Dieu, qui sait.


"Tu dis que les émotions sont surestimées? Ce ne sont que des conneries. Les émotions c'est tout ce que l'on a".

Westmat
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le 14 sept. 2015

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Westmat

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