Sur un mode documentaire d'avant-guerre, Woody Allen raconte l'histoire de Leonard Zelig, cet homme-caméléon qui possède l'étrange faculté de prendre l'apparence physique des personnes autour de lui ou d'en épouser l'esprit. Il se croit docteur en présence d'un médecin,
il devient noir en présence d'un boxeur afro-américain!
Allen incarne lui-même ce personnage simultanément phénomène scientifique et de foire, homme chétif et insignifiant starifié par les médias des années 20.
La comédie d'Allen s'apprécie distinctement sur la forme et sur le fond. Le réalisateur reproduit brillamment le style des films d'actualité des années 20, avec voix off du commentateur pour l'essentiel du texte, et insère les souvenirs des témoins vieillis de l'époque. L'illusion est parfaite, y compris quand Zelig apparait en personne sur les images d'archives:
sur un balcon du Vatican, à proximité d'Hitler dans un meeting!
Au-delà de l'exercice de style, Woody Allen incarne un homme tour à tour admiré et vilipendé, suivant les revirements de l'opinion, un type qui a choisi de ne pas exister en propre, de se confondre par couardise et timidité avec le conformisme ambiant. Que Zelig soit juif n'est absolument pas indifférent. Echapper à sa condition de juif est sans aucun doute pour Zelig une façon de mettre à l'abri.
Le film est brillant, pas forcément comique, même si les bons mots clairsemés de l'auteur font mouche.