J'adore le cinéma de Gilliam. Et encore une fois, il ne me déçoit pas. Pourtant cela ne semble pas être le cas de tout le monde, et même parmi les gens qui apprécient le réal. Et je me trompes peut-être, mais je pense que c'est simplement parce que le film partage certains thèmes communs avec Brazil, et que Zero Theorem est plus accessible que ce dernier, ce qui peut être pris pour un manque de profondeur.
Pourtant, selon moi, Zero Theorem parvient non seulement à embrasser tous les thèmes de Brazil, mais en ajoutant au moins une couche supplémentaire de réflexion, pour ne pas dire plusieurs. Et même si le choix d'arrêter la question du théorème à la première partie de certaines théories scientifiques réelles sur lesquelles il fonde sa critique (l'univers est en expansion puis passera en récession et reviendra au néant, mais le film s'arrête là alors que l'on suppose qu'il s'agit d'un cycle et non d'une fin mais je vais pas rentrer dans les détails ici), cela permet de donner un enjeu supplémentaire à tous les autres thèmes abordés.
Il est donc question à nouveau d'une caricature de notre époque légèrement "futurisée" de façon assez old-school niveau visuel et surtout dans les détails sensés faire "futuristes". Par exemple des boites de nuit où tout le monde écoute son Ipad avec des pauvres écouteurs intra-auditifs style Ipod quand à côté de ça les technologies qu'ils utilisent dans leur taf semble paradoxalement bien plus évoluée... Et personnellement, j'adore ça chez Gilliam.
Il est un peu un des derniers représentants pour moi de ce style de cinéma très "papy" mais qui maitrise ses sujets et sa direction sur le bout des doigts. Il arrive à nous parler d'amour, de liberté, de libre arbitre, de nihilisme, de travail abrutissant, de monde qui part en couille, de futilité de la vie, de la lutte de l'humanité contre cette dernière, etc..., et tout ça de façon tellement parfaite.
Comme par exemple avec son personnage principal, incarnation parfaite de ce vers quoi tends à créer notre société actuelle comme individus paumés, mal dans leur peau, "not fit for this world", asociaux... You get the drift. Et comme il se sert de lui pour nous parler de tout le reste ? Il le fait bosser dans une routine qui déjà nous semblerai insupportable, pour un taf qui semble déjà futile, mais en plus, il le rend tellement rongé par la société qu'il choisit volontairement d'encore plus travailler, chez lui, dans une routine qu'il espère maintenir jusqu'au bout, malgré toutes les opportunités que lui envoie la vie, alors que justement il ne semble attendre que ce "coup de fil" du destin... Paradoxe quand tu nous tiens...
Je passe sur tous les détails, mais ce film fait constamment les bons choix de rapport narration / réalisation. Cette dernière sert parfaitement le propos, que ce soit dans la mise en scène, les décors, le jeu d'acteurs, les costumes ou encore la musique. Christophe Waltz est parfait dans un rôle qui, s'il est toujours quelque peu atypique, reste beaucoup moins "héroïque" (dans le sens "qui prend part à l'action") que dans les films dans lesquels on a pu le voir ces derniers temps.
Même si le film reste somme toute très prévisible, avec une fin qui finit en queue de poisson (mais bon, le thème s'y prête parfaitement), et sent presque le Brazil 2.0, il reste parfait en tous points. Il fait partie de ces œuvres qui laissent un tel impact lors du premier visionnage, qu'on le réservera quelques temps au chaud avant d'y rejeter un œil. Non pas parce que le film est mauvais, bien au contraire, mais parce qu'une fois sa parfaite cohérence réalisation / propos du film dégustée, on décidera de le garder comme exemplaire de film à se mettre une fois de temps en temps pour faire un break des réalisations plus classiques.
Et encore une fois, pour moi ce n'est pas une tare, bien au contraire.