Le roman de Caryl Ferey est brutal et désespéré. Le film de Jérôme Salle, bien que compressant le récit pour lui imposer un rythme accéléré, réussit à restituer la violence aride et nihiliste du texte dont il s'inspire.

C'est la principale qualité d'un film qui s'en tient à la trame du roman, tout en la soumettant à la loi de l'adaptation efficace : l'enquête n'a plus de temps morts, quelques personnages disparaissent, certains passages sont transformés. Mais Zulu - le film - ne passe pas à côté de l'immersion dans l'Afrique du Sud d'aujourd'hui, pays encore profondément meurtri, et pour longtemps, par des années d'apartheid, plongée étouffante qui faisait la grande qualité du roman très documenté de Caryl Ferey.

Le film fonctionne donc sur un contraste radical : d'un côté le développement classique d'une enquête policière très codée [le grand flic plein de principes au passé traumatisant, le flic alcoolique, le jeune flic sérieux, les caïds manipulés par de plus méchants qu'eux, quelques femmes fatales, etc], et de l'autre, la plongée presque documentaire dans une réalité sociale désespérante. Zulu devient alors un polar surchauffé, sec et bouillonnant, efficace.

Si la présence de Forest Whitaker au casting ne surprend pas, tant sa grande carcasse et son visage fatigué se coulent à la perfection dans le personnage d'Ali, le choix d'Orlando Bloom paraissait plus surprenant. La surprise est donc double, puisque non content d'exhiber à deux ou trois reprises son avantageuse plastique [joli cul !], le comédien fait oublier l'elfe et s'impose avec autorité dans le rôle de Brian, flic blanc au père procureur sous l'apartheid. Le duo est parfaitement complémentaire.

Plutôt bon film donc, à la mise en scène solide à défaut d'être habitée, portée par la [toujours] bonne partition d'Alexandre Desplat, dont le final, différent du roman, clôt de belle manière un récit aussi cinglant que sanglant. Avec Zulu, Jérôme Salle sort un peu du cadre et propose un divertissement presque hors format, sorte de polar sans issue à la noirceur salutaire.
pierreAfeu
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le 11 déc. 2013

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