Lorsque l'on voit s'attaquer Jérôme Salle à un projet, on craint pour nos âmes cinéphiles. L'homme est tout de même celui qui a réalisé Largo Winch. Au cas où.
Et pourtant lorsque l'on s'aperçoit que 1) son film est présenté à Cannes que 2) il est adapté d'un best-seller très réussi et que 3) Forest Whitaker joue dedans... on a envie d'y croire. D'autant que les extraits qui avaient été révélés à Cannes mettaient l'eau à la bouche.
Le résultat est en demie teinte. Décevant si l'on se référait à l'eau à la bouche. Réussi si on le compare à Largo Winch.
C'est évident Jérôme Salle a changé de style, pour plonger ici dans l'art délicat du thriller policier.
Notons d'abord les points positifs pour dériver ensuite sur ceux négatifs.
Le film n'est pas trop mal filmé ; certains plans sont même assez jolis, rendant bien compte de la violence aride des paysages d'Afrique du Sud, entre rocailles et vagues cinglantes.
Les acteurs sont pas trop mauvais ; on a plaisir à retrouver Orlando Bloom dans un style plus viril que d'habitude.
La musique est réussie : Alexandre Desplat est l'homme derrière tout ça.
La première demie-heure du film est en cela intéressante qu'elle livre une véritable tension. On n'est pas loin, dans le ressenti du spectateur, du Zodiac de Fincher. La violence y est malsaine, les personnages pas très nets... En cela on prend plaisir à rentrer dans cette intrigue qui promet violence et tension.
MAIS. Car il y a de gros mais.
Jérôme Salle semble vouloir condenser plus de 400 pages d'intrigue en un petit film d'1h40. Si bien que la vitesse est telle qu'on se croirait dans un épisode de série. Cela en soit n'est pas vraiment déstabilisant car au visionnage, on ne s'ennuie pas une seule seconde et l'ensemble est suffisamment rythmé et trépidant pour tenir en haleine. Mais la première minute de film est en cela si rapide et, pour le moins inutile qu'elle est représentative du reste du film : pas une seconde de répit, on nous balance directement dans cette histoire en compagnie de ces personnages dont on a compris le vécu et les personnalité en quelques plans explicites.
Les personnages - mais cela ne vient peut être pas du film mais du livre à la base, je ne sais pas - sont tout de même assez caricaturaux ; le duo de flic, l'un célibataire et bosseur dont la seule raison de vivre est sa mère, l'autre queutard patenté, beau gosse et branleur, on connaît par coeur. C'est tellement vu qu'on se demande ce que va bien pouvoir innover le film...
Et ben pas grand chose : l'intrigue est globalement surfaite et connue d'avance
(ce n'est pas qu'un petit meurtre mais bien un complot global pharmaceutique ouhou)
, les dialogues sont plats et sans grande tension. Certes les personnages apportent chacun leur originalité (on apprécie tout de même le style badass-branlo d' Orlando Bloom) mais dans l'ensemble tout est déjà donné d'avance. Et le tout est livré à une violence peu intelligente et souvent ridiculement excessive. Si la sauce prend au début (la fameuse scène de la plage est remarquable : la violence y est si soudaine qu'elle nous prend aux tripes) le tout s’essouffle vite. Et la surenchère gore que Salle tente de dissimuler derrière un apparent esthétisme (ralentis nuls) n'aide en rien. Des dialogues mal écrits et facilement vulgaires n'aident eux aussi en rien dans la prise au sérieux de ce film.
De plus le réalisateur a la fâcheuse manie de commencer à traiter des sujets pour au final ne jamais les poursuivre... comme par exemple le rôle de père du personnage de Bloom. Ou bien l'analyse sociologique d'un pays aux clivages trop prononcés et au passé encore bien présent, ce qui aurait pu être intéressant mais qui n'est ici que de l'ordre du "vaguement suggéré pour dire qu'on en a parlé dans le film mais qu'au final on en parle pas vraiment". Il y a aussi des personnages qui disparaissent sans crier garde pour ne plus jamais revenir (l'ex-femme de Bloom, que ce dernier sauve dans un scène étrangement peu réaliste, et qui jusqu'à la fin du film ne sera plus jamais évoquée...).
Enfin restent des incohérences monstrueuses qui rendent le film par passage ridiculement comique.
Comme par exemple cette scène où Bloom parvient in extremis à se sauver de l'emprise de méchants pour débarquer dans la scène d'après aux côtés de Whitaker, qu'il a retrouvé, avec son 4x4, en plein coeur du désert Namibien... OK ...? Ou encore cette fin ridicule que l'on tâchera de ne pas dévoiler, mais qui est tellement rapidement expédiée qu'elle perd toute crédibilité, enlève tout pathos au film, et semble ne pas le clore.
Lorsqu' apparaît le générique on se dit donc que cet épisode de série était pas mal, bien rythmé divertissant et violent, et qu'on attendra de voir la semaine prochaine si l'intrigue se corse et quel en sera le dénouement...
Attendez... mais c'était un film ?