Premier visual novel à s’être vu attribué la note parfaite par le magazine Famitsu en 2008, 428: Shibuya Scramble a longtemps suscité l’envie des lecteurs occidentaux. Heureusement, Spike Chunsoft (développeur/éditeur du jeu) s’est enfin décidé à le faire parvenir chez nous, traduit en anglais pour l'occasion, lors de sa dernière réedition en date sur PS4 et PC en Septembre 2018.
L’histoire du jeu suit cinq protagonistes différents que l’on incarne à tour de rôle : Shinya Kano (détective chargé de retrouver les coupables d’un kidnapping), Kenji Osawa (virologiste ermite), Minoru Minorikawa (reporter freelance hyperactif prêt à tout pour un bon scoop), Achi Endo (ancien chef de gang reconverti en éboueur) et Tama (une mascotte chat embauchée pour la journée pour vendre une marque de boisson énergisante).
Chaque personnage possède au début sa propre histoire indépendante mais ils seront par la suite amenés à se rencontrer, malgré leurs profils et leurs rôles différents, pour se retrouver impliqués dans une grande affaire de kidnapping qui sert de socle commun au scénario du jeu. Concernant l’histoire dans sa globalité, je n’en parlerai pas en détail pour éviter tout spoil mais en gros: ce que l’on croyait être une histoire banale de kidnapping va progressivement évoluer en quelque chose de beaucoup plus important, avec des enjeux dramatiques pour tout Tokyo, voir le Japon entier.
C’est un thriller très sympathique à suivre avec un mystère qui s’épaissit au fur et à mesure du jeu et qui arrive à happer le lecteur dès les premières heures. Le récit, à l’instar d’un jeu comme Yakuza 0, mélange très habilement les moments de tension haletants et les passages humoristiques absurdes, et les personnages rencontrés sont tous attachants rapidement. Le rythme est globalement maîtrisé malgré quelques lenteurs pour certains protagonistes comme Achi ou Osawa, dont l’histoire peine à démarrer. On n’évite pas non plus certains plot twist malheureusement trop prévisibles qui peinent à surprendre mais rien de dramatique cependant : l’histoire de 428 réserve quand même son lot de surprise et elle vaut la peine d’être lue jusqu’à la fin.
La grande originalité du jeu est la division de son intrigue en cinq personnages « jouables » . Chaque personnage propose un point de vue différent sur les événements: l’histoire lue du point de vue de Osawa et de Kano est traitée de manière assez sérieuse, avec un registre d’écriture plutôt sérieux, tandis que les histoires de Minorikawa et de Tama ont davantage de passages comiques à la cool.
On suit l’histoire de chaque personnage à tour de rôle. L’objectif est de guider tout le monde vers la bonne route (càd la route prévue par le jeu) en effectuant les bons choix au bon moment afin d’éviter d’atterrir vers une Bad Ending. Et des mauvaises fins il y en a beaucoup : 85 au total. Ne soyez donc pas surpris d’avoir accumulé au moins cinq mauvaises fins juste pendant votre première heure de jeu, c’est tout à fait normal. Pas de panique donc, car aucune mauvaise fin n’est définitive: une grande timeline représentant l’intégralité des scènes pour tous les personnages et qui est visible à tout moment permet de remonter dans le temps et de revenir sur ces décisions.
Si beaucoup de visual novel/jeux narratifs imposent aux joueurs des choix qui n’ont aucun impact sur la construction global de l’histoire (Life is Strange est un parfait exemple de ce cas), ce n’est pas le cas pour 428 : Shibuya Scramble car plus du ¾ des choix présentés sont essentiels à la progression. Le jeu prend alors des allures de puzzle-game avec des retours dans le temps, des changements de personnages à faire au bon moment et des choix à effectuer qui influent directement sur le destin d’un ou de plusieurs autres personnages.
Ce système de jeu contribue énormément à l’implication du joueur dans le récit puisqu’il requiert d’adopter une lecture attentive afin de relever les moindres détails des conséquences d’un choix. Un point plutôt important pour un Visual Novel où le scénario reste primordiale.
En plus de cela, le fait d’incarner presque simultanément 5 personnages drastiquement différents procure un sentiment d’attachement très fort aux caractères et aux personnalités de chacun d’entre eux. Cependant, le seul vrai défaut du jeu à souligner est l’incapacité d’accélérer le texte, même ceux déjà lus. Cela s’avère être très énervant lorsque l’on doit relire en boucle les mêmes scènes à cause des nombreux retours dans le temps et changement de scénario que le jeu nous impose.
L’autre originalité du jeu est dans son style visuel : toute l’histoire du jeu est accompagnée de photos (et même de vidéos !) réelles, avec de vrais acteurs pour incarner les personnages et avec le vrai Shibuya comme décor. Un choix esthétique qui participe également grandement à l’immersion. Les clichés pris sont très bien réalisés, avec une utilisation intelligente du contraste et des couleurs pour souligner le trait de caractère du personnage que l’on incarne: des couleurs froides pour Osawa et Kano // des couleurs hyper flashy pour les passages rigolos avec Tama et Minorikawa par exemple.
Les photos permettent en plus de dresser un joli portait du quartier de Shibuya, on reconnaît évidemment le Shibuya Crossing, la gare avec la statue Hachiko ainsi que le centre commercial 109 (des lieux qui rappelleront des souvenirs à ceux ayant joué à Persona 5, Jet Set Radio Future ou à l’excellent The World Ends With You) mais également des coins un peu moins connus comme Dogenzaka ou Harajuku .
La direction artistique demande cependant un temps d’adaptation, variable en fonction de votre tolérance à l’humour et au kitsch japonais. –notamment à cause de certains gros plans franchement moches sur le visage des acteurs ou de quelques costumes d’assez mauvais goût-.
Malgré ses rares maladresses d’écriture, l’impossibilité de skip les textes et un style visuel un peu déroutant, 428 : Shibuya Scramble est un jeu vraiment unique et original que je recommande chaudement à tous les amateurs de Visual Novel, et même aux curieux du genre. Avec son gameplay original et son histoire très prenante, il est à ranger parmi les meilleurs jeux de Chunsoft, au même titre que les Zero Escape ou les deux derniers Danganronpa.