Les imbéciles disent souvent qu'un jeu vidéo, c'est une affaire de gameplay. Selon leur raisonnement, un bon gameplay produit un bon jeu, et un mauvais gameplay, un mauvais jeu.
Mais ce sont des imbéciles.
De mon point de vue, il y a trois grandes écoles de jeu vidéo :
- les jeux à gameplay pur (Civilization)
- les jeux à ambiance ou "immersifs" (Subnautica mon amour)
- les jeux à histoire ou "narratifs" (Mass Effect)
Parfois, un jeu va se construire autour de deux (maximum) de ces écoles : The Witcher 3 est un jeu immersif avec une histoire formidable, mais si tu y joues pour son gameplay (globalement, un TPS avec un glaive), c'est que tu es un imbécile. Alien : Isolation est un jeu d'ambiance avec un gameplay "furtif" inégalé à mon avis, mais l'histoire, on s'en fiche un peu (un vague prétexte pour explorer une station spatiale).
C'est pour ça que les gens qui reprochent à Innocence un gameplay "plat" ou "répétitif" n'ont rien compris : Innocence est un jeu à histoire... et quelle histoire !
Non, pas l'histoire de l'invasion par les rats, ni celle d'une maladie ancienne (à laquelle je n'ai toujours rien compris) ou d'une Provence médiévale frappée par la guerre et par la peste. Tout ça, on s'en fiche un peu.
A Plague Tale : Innocence, c'est l'histoire touchante de l'amour en construction entre une adolescente de 15 ans et son petit frère de 5, qui sont pratiquement des inconnus l'un pour l'autre en début de jeu, et qui vont tisser les plus profonds liens de loyauté et d'affection pendant toute la durée de l'histoire. Voir ces deux bouts de chou passer par mille enfers pour apprendre à se connaître, à se faire confiance et à se serrer les coudes, restera l'une de mes meilleures expériences videoludiques récentes, à une époque où trop de personnages de jeu vidéo ont l'épaisseur d'un papier à cigarette - ou alors sont écrits pour cocher toutes les cases de "l'inclusion-parce-que-nous-on-est-des-gens-comme-il-faut".
Amicia, c'est une adolescente comme une autre (ou presque), qui peut se sentir perdue, culpabilise de devoir tuer quelqu'un, gueule sur son petit frère parce qu'il ne comprend pas que ce n'est pas le moment, et surtout qui doit passer son temps à se cacher face à des soldats évidemment plus forts qu'elle. L'innocence du titre, c'est celle qui disparaîtra à mesure que leur survie, à elle et à son petit frère, nécessitera de s'adapter à un monde violent et cruel.
Pourquoi "semi-merveilleuses", du coup ?
Parce que les auteurs n'ont pas pu s'empêcher de tomber dans l'éternel même écueil du jeu vidéo : on joue une ado qui, en début de partie, s'en veut de devoir tuer quelqu'un. Très bien. Sauf que, à mi-jeu, elle se mettra à enchaîner les head-shots avec sa fronde sans la plus petite arrière-pensée - comme tout le monde dans le vaste univers des héros de jeu vidéo, j'ai envie de dire. On me rétorquera qu'il aurait été difficile de maintenir pendant dix heures cette tension dramatique de l'innocence... Certes. Mais quand même... On a l'impression que, dans la plupart des jeux vidéos, si on ne te fait pas tuer ton quintal de viande humaine à intervalles réguliers, c'est qu'on t'a proposé une expérience ludique insatisfaisante...
Ce qui nous amène à la dernière demi-heure : une triste négation des dix heures qui ont précédé, puisqu'on va passer notre temps à tuer des ennemis rassemblés en arène (beurk), avant de conclure cette formidable histoire sur la vulnérabilité en affrontant... un boss de fin (re-beurk).
Oui oui. Un boss de fin. Comme dans un vulgaire Zelda ou Dark Souls. Avec pattern d'attaque et tout le tralala. Une misère.
Heureusement, les dernières minutes de jeu et de cinématique nous font oublier ces horreurs, et nous réconcilient avec une histoire dont on a hâte de découvrir la suite : Requiem ^^