Suite à un incendie qui tua ses parents, Alice passa 9 ans dans un asile où personne n'arrivait à la sortir de son état partagé entre la catatonie et les crises de violence. Elle finit par atterrir dans son Pays des Merveilles, mais ce dernier n'a plus rien d'enchanteur : ravagé par le trauma qu'elle a subi, c'est une terre morne sous la coupe de la Reine Rouge. Armée dans un premier temps de son couteau de boucher encore ensanglanté et aidée d'un chat de Chescire rapiécé, Alice va devoir remettre de l'ordre dans ce monde et dans sa tête en se frayant un chemin au milieu des pièces d'échec et des cartes à sauvagement découper en deux.
Ce fut particulier, il y a ce charme des jeux un peu horrifiques avec le lowpoly qui vient accentuer l'effet d'étrangeté, mais c'est en même temps désagréable à jouer. Les combats vont souvent changer de style selon les armes que l'on débloque (simili hack & slash, puis simili jeu de tir) mais seront toujours assez pénibles, répétitifs et non funs à faire. Les séquences de plateforme sont nombreuses mais souffrent d'un gameplay très flottant et imprécis, avec des plateformes dont les angles peuvent facilement faire glisser le personnage n'importe comment et souvent dans la lave. Beaucoup de passages m'ont fait dire que je ne voulais plus jamais les refaire, et certains manquent d'explications, j'ai mis du temps à comprendre que pour le premier passage aquatique il fallait suivre la trace de la tortue parce que les bulles qu'elle laisse derrière elle permettent de respirer, faute de logique et de feedback informatif. En un mot, c'est laborieux. Pensez à sauvegarder souvent, on meurt très vite et pas toujours de manière juste.
Malgré tout ce n'est pas le genre de jeu pour lequel ce problème sera le plus pénalisant. Sans aller jusqu'à faire mon fan de Yoko Taro qui justifie toutes ses errances de gameplay par un propos anti-guerre qu'il semble répéter dans tous ses jeux, le fait est que cet Alice n'est pas fait pour nous mettre à l'aise. C'est un de ces jeux à ambiance horrifique (mais sans élément vraiment effrayant) où l'on va se sentir faible dans un environnement hostile et désolé. On se sent plus dans l'idée de survivre au jeu que de s'éclater à massacrer les cartes ou traverser les niveaux avec aisance. Dans cette optique et parce que cette formule précise n'a pas encore été trop photocopiée, j'ai pu m'en accommoder pour profiter de l'ambiance glauque qui détourne le roman pour présenter la déchirure mentale de son héroïne.
Artistiquement le jeu est très réussi, il sait distiller un aspect cafardeux à sa fantaisie tordue, et les musiques ont un air de Danny Elfman dépressif qui vient souligner que tout cela n'est pas tant effrayant que d'une tristesse infinie. Je me suis intéressé à ces environnements, sans y prendre du plaisir parce que le gameplay n'aide pas, mais avec curiosité et une certaine sensibilité à ce style. Il y a toujours un nouvel élément à découvrir, avec quelques surprises quand le monde réel commence à s'infiltrer. En revanche je suis agacé par ce trope de la fille traumatisée qui doit retrouver la raison par elle-même en affrontant des monstres dans sa psyché, c'est vraiment pas une métaphore que je soutiens.
Un jeu boiteux, mais une aventure que je ne regrette pas pour autant. Il faut savoir où l'on met les pieds, à savoir dans un jeu qui n'est ni fun ni ludique. Il rejoint la liste de ces œuvres qui auraient peut-être été meilleures en série animée qu'en jeu-vidéo, mais en même temps je ne peux pas prétendre qu'avoir dû batailler avec ces situations frustrantes n'a pas rendu l'expérience plus prégnante.