Embarassant, Beyond : Two Souls l'est bien souvent. Entre son pessimisme poussif, ses raccourcis caricaturaux et sa volonté débordante de trop en faire, le jeu de Quantic Dream fonce droit dans le spiritualisme de bas étage en oubliant qu'une bonne histoire construit sa pertinence davantage dans sa densité discursive que dans la profusion des situations qu'elle expose. En témoigne cette tendance systématique à faire commencer les nouveaux chapitres par une marche sans but, unidirectionnelle, sans autre contexte qu'un nouveau décor (qui ne deviendra "environnement" qu'a posteriori). Exposition, s'il en est, quelque peu lourdingue, pour ne pas dire casse-couille à l'usure car manquant singulièrement de profondeur et n'ayant finalement pour incidence que d'étendre, le plus souvent inutilement, "les" temps du récit.
Mais superbe, Beyond : Two Souls l'est tout aussi souvent. Car malgré ses maladresses artistiques et idéologiques, il parvient à toucher avec grâce des zones dont se désintéressent beaucoup de médias aujourd'hui. L'enfance, la solitude et la monstruosité, très justement convoquées de concert dans un enrobage raffiné et à la mise en scène beaucoup plus sophistiquée que dans le précédent jeu du studio (en plus de bénéficier d'une technologie nettement plus convaincante), contribuent véritablement à construire un attachement pour le personnage principal et son entourage. Sans aller jusqu'à vous faire tirer une larme, il faut admettre que certains personnages sonnent justes et sont tout simplement beaux dans leur sincérité. A eux seuls, ils justifient tous les dispositifs décisionnels mis en place par le jeu, qu'ils soient évidents ou non, car ces derniers s'opèrent dans une optique morale plutôt que narrative. Ici, on ne vous donne pas la sensation d'être maître de l'histoire, on vous offre simplement les outils pour exprimer votre point de vue sur les personnages à mesure que leurs histoires se déroulent. Cela peut passer par l'action, l'inaction, l'observation, le désintérêt... une action contextuelle, un geste, un mouvement de caméra. Bref, autant par le pad que par notre regard, et c'est là le propre des jeux vidéo en général.
De très belles choses donc, quelques peu camouflées par un ton surabondamment mélodramatique et des interventions spectaculaires malvenues. Toujours est-il qu'elles sont là, et qu'elles sonnent juste.