Le ciel pour seule limite
Qu'il est difficile de parler de ce jeu pour lui-même. Je viens de recommencer cette critique intégralement.
J'ai effacé deux paragraphes entiers où je n'avais fait que parler d'un autre titre. Et c'est injuste pour Cities Skylines, qui mérite qu'on parle de lui.
Mais je ne peux pas non plus faire semblant d'ignorer l'existence de celui que je me contenterai d'appeler "l'Autre". Le traumatisme est encore présent aujourd'hui, deux ans après. L'amertume et le ressentiment également. Parce que j'avais réellement vécu cet épisode comme l'arrêt de mort du genre city-builder. Oui, rien que ça.
"L'Autre" dont le nom si prestigieux réveillait en moi les souvenirs d'enfance où les nuits passaient à une vitesse folle. "L'Autre" qui avait réussi à me faire sortir la carte bleue deux jours avant sa sortie, parce que j'avais eu la faiblesse de regarder ses streamings mensongers en avant-première. "L'Autre" qui au final s'est révélé être un immonde foutoir mal branlé, mal optimisé, mal pensé, mal fini. "L'Autre" que je n'ai plus jamais touché après avoir désespérément tenté d'en tirer quelque chose de valable une semaine entière.
Il n'en valait pas la peine. Je lui ai déjà accordé trop de temps dans cette critique. Car je voudrais vous parler d'un jeu qui se nomme Cities Skylines, et pas d'un Autre.
Vous êtes nommé maire d'un morceau de terrain vierge. Vous disposez d'un budget de départ pour construire des routes et des infrastructures énergétiques. Vous pouvez définir quel type de bâtiment sera construit en établissant des zones de couleur : vertes pour les habitations, bleues pour les commerces, jaunes pour l'industrie. Vous pouvez désormais faire tout ce que vous voulez (tant que votre budget le permet évidemment).
"Mais..." vous entends-je dire "...mais ce que tu décris là, n'est-ce pas déjà ce qui se faisait dans l'Autre ?"
Eh bien si, tout à fait. Cities Skylines fait enfin, et de manière sobre et efficace, tout ce que l'on attendait de l'Autre. Cities Skylines apporte enfin le terrain de jeu nécessaire à la création d'une ville d'envergure, pour répondre aux besoins primordiaux des mégalomanes que sont les fans du genre. Pas de gimmick, de connection internet obligatoire, de carte de 4 km². Une circulation des véhicules fluide et intelligente qui se révèle même être le cœur du jeu (les créateurs touchent leur bille en la matière, Colossal Order ayant déjà réalisé les excellents et méconnus "Cities in Motion 1 & 2", dignes successeurs de Transport Tycoon). Des camions de pompiers qui roulent DANS LES DEUX SENS et qui peuvent éteindre un incendie. Des mouvements de populations réalistes, des habitants qui existent vraiment, des problèmes de trafic qui ont un sens et qui peuvent être réglés.
Je sais que cette liste peut surprendre celui qui n'a pas vécu le choc de 2013. Mais il faut qu'il comprenne à quel point l'Autre était tombé bas. À quel point le désenchantement et la perte de foi en l'avenir du genre avaient été intenses.
Cities Skylines propose aussi un nouveau système de "district", qui apporte une vraie note de personnalisation à votre cité. En dessinant tout simplement une zone par dessus un territoire donné, vous pouvez y établir des politiques locales spécifiques. Ce terrain est fertile ? Définissez le district comme zone agricole et voyez s'y développer la culture du blé, du maïs, de la vache et du porc. Cette zone est particulièrement boisée ? C'est le terrain idéal pour établir un pôle d'exploitation forestière. Ce quartier commercial en bord de mer est particulièrement attrayant, mais aurait besoin d'un boost en tourisme ? Faites en l'unique endroit en ville où la consommation récréative de substances narcotiques est autorisée !
Autre présence notable, celle d'un créateur d'asset, qui nous permettra de créer des schéma complexe de voies de circulation, ou des parcs, ou carrément des bâtiments personnalisés.
Ce ne sont là que quelques exemples des mille-et-un bidouillages possibles et imaginables qui caractérisent le titre pour l'heure.
Oui, j'ai bien dit "pour l'heure", parce qu'il ne fait aucun doute que le diamant brut qui nous a été offert en ce 10 mars 2015 sera taillé de la plus belle des manières au fil du temps. Et ce pour deux raisons.
La première, c'est l'éditeur du jeu : Paradox Interactive. Je me contrefous d'être traité de fanboy, j'assume pleinement mes propos : J'AIME CETTE BOÎTE. J'aime ces gars non seulement pour leurs créations (Europa Universalis et Crusader Kings en tête), mais aussi et surtout parce qu'il sont au courant de ce que veulent les joueurs. C'est une boîte qui dialogue constamment avec sa communauté, qui ne prend pas ses joueurs pour des abrutis, qui maintient un suivi régulier de ses jeux phares et qui sort régulièrement du contenu additionnel pour renouveler l'expérience de jeu.
Paradox a promis un suivi et un support pour Cities Skylines équivalent à celui mis en place pour Crusader Kings 2 et Europa Universalis 4. Et en tant que joueur assidu de ces deux titres, je peux vous garantir que cela n'augure que du bon.
La deuxième raison, c'est le modding d'une facilité et d'une accessibilité déconcertante. Il suffit de deux clics en tout et pour tout pour obtenir une modification du Steam Workshop. Pas de programme externe, pas d'utilitaire de gestion, pas de redémarrage du jeu. Juste deux clics. À l'heure d'écrire ces lignes, à peine un peu plus de 48 heures après la sortie du jeu, plus de 4000 modifications sont déjà partagées en ligne. Quatre. Mille.
Le genre city-builder est ressuscité. Cities Skylines est le messie venu nous absoudre du péché mortel commis il y a deux ans. Gloire et paix éternelles sur son nom et sur sa descendance. Prenez et mangez-en tous, car ceci est du bon. Du très très bon.
Ite missa est.