Tout a commencé avec un buzz accidentel, de ceux qui naissent des forums et d'un 10/10 plein d'arrogance (Destructoid) !
Deadly Premonition, est un survival horror dans ce que cela a de plus traditionnel : un gameplay rigide qui n'est pas étranger à la tension ressentie, et la sensation de devoir presser la touche action devant chaque porte afin de procéder à l'éternelle fouille de chaque élément du décor.
Seulement voilà, conscients que ces opérations sont plutôt fastidieuses, les devs ont décidé de remplir la map de toutes les indications nécessaires afin de construire dès le début du niveau son itinéraire de fouille, en plus de signaler les éléments interactifs du décor avec une zone colorée très "power up". Du coup, on a la sensation paradoxale d'avoir affaire à un jeu labyrinthique, mais au fond plutôt couloir. Le level design n'est à ce titre pas très folichon, avec son gros lot d'allez-retours, de "salles arènes", ses textes défilants (que l'on peut accélérer ou interrompre, certes, mais pourquoi ne pas faire un bête pop-up ?) et ses menus intrusifs.
A côté de ça, y'a de nombreuses bonnes idées.
Tout d'abord la construction en épisodes, beaucoup plus légitime que dans un certain Alan Wake, où chaque conclusion va s'accompagner d'un rituel récapitulatif originalement mis en scène par le personnage principal, un poil schizophrène sur les bords (no spoil, ça se remarque dès les premières minutes de jeu). Chaque chargement de partie sera d'ailleurs l'occasion d'avoir le résumé de l'épisode précédent (previously utile donc, à l'inverse de celui complètement anecdotique d'Alan Wake), et ce n'est pas du luxe, l'aventure s'étalant sur une bonne vingtaine d'heure de jeu en ligne droite (15 h sur le compteur épuré du jeu, 22 h dans le "classement" en ce qui me concerne).
L'enquête en elle même ne méritait peut être pas autant de temps de jeu, pour être honnête. Sur l'intégralité des profilages exécutés par le héros (une douzaine), de nombreux sont de véritables redites. La narration est donc perfectible, surtout en ce qui concerne le rythme, véritablement en dent de scie. Cela procure malgré tout une véritable force au jeu qui nous prend ainsi régulièrement par surprise via ses (parfois très) longues séquences de dialogues non interactives ou au contraire par des séquences à priori plutôt paisibles qui tournent bien vite au cauchemars. A ce niveau là, le jeu distingue très clairement les phases d'enquête (+ temps libre) aux phases d'investigation (+ couloir/survival) à la façon d'un certain Silent Hill : Shattered Memories qui scindait aussi ces deux types d'approche, temps libre en moins. Deadly Premonition conserve à ce titre l'idée d'un light world et d'un dark world hérité de Silent Hill, mais répondant à des codes thématiques et plastiques qui lui sont propres.
Le gameplay reprend les bases posées par Resident Evil 4, à savoir un personnage peu mobile quand il doit attaquer, susceptible de devoir réagir à une menace avec un QTE (enchaînement, pression rapide ou "remuage" de stick façon Bayonetta). Point positif, il est rarement nécessaire de tuer tous les ennemis, exception faite de quelques "salles arènes". Il est même possible de les éviter assez aisément, pour peu que l'on prenne en main le système de "tension" du héros.
En effet, en plus de la classique barre de santé (qui se régénère avec des kits de soin et non avec le temps), le joueur doit gérer une barre de "tension" qui se rempli à mesure que l'on produit certaines actions (comme courir, activer le gyrophare pour appuyer un peu plus sur le champignon, se cacher dans un placard façon Metal Gear...). Cette barre va surtout permettre à York, the hero, de gérer sa respiration afin de se faufiler plus aisément entre les différents ennemis qui peuplent les nombreux couloirs hantés, ceux-ci devenant incapables de nous détecter lorsque l'on retient son souffle.
La touche personnelle, celle qui fait du jeu une expérience assez unique, c'est déjà cet alliage plutôt hors norme et à priori de mauvais goût entre la nécessité d'immersion du survival horror et l'esthétisme arcade de certains éléments tels les objets au design "power up"; dualité confirmée par la gravité du scénario et la légèreté quasi parodique de la plupart des dialogues. Le scénario, s'il est une des forces majeures du soft, n'est pas sans défaut non plus et laisse entrevoir de nombreuses facilités d'écriture franchement frustrantes sans compter les nombreux emprunts même pas camouflés à la série télé Twin Peaks. Toutefois, les personnages sont traités avec une telle profondeur que l'on peut facilement fermer les yeux sur cet écueil. Le personnage principal, notamment, est particulièrement attachant et adresse régulièrement la parole au joueur via son double imaginaire "Zach" à qui il confie ses états d'âmes, avec qui il ressasse le passé ou discute cinéma et musique.
Enfin, l'aspect technique est très certainement ce qui va rebuter la plupart des joueurs. C'est à peine digne d'une PS2, et ça trouve le moyens de saccader par moment. Il arrive cependant que le jeu nous prenne par surprise, les devs ayant un sens aigu de la mise en scène (split screen intelligent, espaces oniriques travaillés et riches de sens), mais dans l'ensemble c'est quand même plutôt laid et faiblement animé. Le sound design quand à lui, même s'il se renouvelle peu dans le jeu, fait mouche grâce à des compositions en contrepoint, des bruitages dynamiques et un mixage assez convaincant des doublages (très bons, en anglais).
A la poursuite du Raincoat Killer.
Malgré l'extrême légèreté du tout, on s'attache aux personnages, on est surpris par les nombreuses révélations, on panique pendant le rechargement de notre arme, on sue devant les quelques phases de QTE à la mise en scène originale et on a le coeur serré devant le dénouement.
Bref, tout ce qu'un certain Heavy Rain n'a pas réussi à faire, Deadly Premonition nous le propose, et ça c'est ce que j'appelle une bonne leçon d'humilité.
A bon entendeur Mr. Cage.