Dungeons of Hinterberg
6.8
Dungeons of Hinterberg

Jeu de Microbird et Curve Digital (2024Xbox Series X/S)

Dungeons of Hinterberg est un jeu d'action aventure sorti récemment sur le pass, proposé par la petite équipe autrichienne de Microbird Games dont c'est, sauf erreur de ma part, le premier projet. Le jeu met en scène Luisa, une jeune avocate viennoise menacée par la crise existentielle de la trentaine, qui décide pour décompresser d'abandonner son travail et de se rendre dans le petit village alpin d'Hinterberg afin d'y prendre part à l'activité touristique locale : l'exploration de multiples petits donjons magiques disséminés comme des pistes dans une station de sports d'hiver.


Du point de vue du game design, DoH alterne globalement entre deux grandes phases : la journée, le personnage de Luisa explore quatre hubs semi-ouverts conduisant à des donjons de difficultés variables dans une approche empruntée à Zelda – et pas vraiment à Dark Souls comme ont pu le présumer certains vu de loin ; le soir, le joueur a l'occasion d'aborder une partie plus dating sim du jeu où il s'agira de nouer des contacts avec les habitants ou les visiteurs d'Hinterberg afin de débloquer, avec leurs dialogues, différentes améliorations de caractéristiques, à l'image de ce que proposera le plus fameusement en occident un Persona.


DoH a un certain nombre de défauts localement qui pourraient sembler assez pénalisants, si on prenait la peine de les isoler pour les lister, mais force est de constater que le jeu sait être holistique dans le sens où son unité crée une expérience particulièrement agréable et charmante qui fait oublier les imperfections de sa conception. Le long des vingt-six petits donjons que propose le jeu, il sera très rare de voir le level design se répéter et chacune des explorations de donjon se présente comme autant de petites randonnées ou de nouvelles pistes à expérimenter dégageant à chaque fois un gimmick spécifique, rendant l'expérience courte, satisfaisante, attirante à réitérer. On pourra ainsi approcher des activités aussi multiples que des courses de surf, des énigmes de portes, de ponts, de leviers, de chariots comme à la grande époque, des niveaux en 3D isométriques que ne renierait pas Hadès, des sauts de boules inspiré de Mario Galaxy voire même des temples de l'eau supportables (!).


Dans l'exploration comme dans les donjons, un système de combat simple mais efficace vient farcir ce design des donjons. Un coup faible, un coup fort, quelques attaques spéciales, la formule est basique mais a un retour haptique, graphique, sonore assez travaillé pour rester engageante jusqu'à la fin. Le jeu propose à chacun des quatre niveaux deux pouvoirs spécifiques qui permettent d'apporter une variété bienvenue à la recette, d'autant que les niveaux ne se finissent pas les uns après les autres mais en parallèle. On pestera de temps en temps contre une légère imprécision des pouvoirs ou des hit box des attaques magiques adverses mais rien de traumatisant, et le jeu en difficulté « corsé » se fait assez bien, sans être ni trop pénible ni trop simple – d'autant que l'économie plus que généreuse du titre vous permettra de finir l'aventure avec bien plus d'objets de soin que nécessaire.


Si le jeu se contentait d'être un micro-Zelda couplé à un micro-Persona, il serait déjà sympathique ; mais je pense que ce qui m'a tenu jusqu'à la fin – éprouvant une immense difficulté à passer les dix heures sur un titre et à les finir –, c'est la façon dont ce design (qui force à ne pouvoir faire qu'un niveau par jour avant d'être interrompu par des cut scenes) arrive à émuler une sensation de vacances à la montagne et donc à rejoindre le propos du jeu, qui réfléchit à la manière dont la pratique du tourisme peut s'articuler à la destruction des économies et cultures locales et à la façon dont pour une élite urbaine la pratique du tourisme constitue un cliché de développement personnel. Le jeu manque de richesse, de complexité, de causticité dans sa critique mais il emporte très bien la botte en parvenant à faire correspondre son design avec son propos ; et finalement, c'est ça qui constitue un jeu vidéo qui mérite d'être joué. Il a par cet aspect un faux air de Mario Sunshine, différences profondes de gameplay mises à part, qui est extrêmement intéressante à retrouver. Et une fois le voyage achevé – qui comme tout voyage du genre, a vocation à être court –, on a droit à la mélancolie des paquebots, aux froids réveils sous la tente, à l'étourdissement des paysages et des ruines, à l'amertume des sympathies interrompues.


Essayez-le, d'autant plus pour les abonnés du pass. C'est ce genre de productions européennes que j'aimerais voir gagner en ampleur. PS : le jeu joue sur la nostalgie des vieilles stations impériales germano-viennoises, c'est impossible de rester complètement de marbre pour un amateur de Mann, de Zweig, de Müsil, de Bernhard. Vive l'Europe c'est nous qu'on est les mieux.

S_Gauthier
7
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le 30 juil. 2024

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S_Gauthier

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