L'Évangile selon selon Saint-Chiant.
Avoir une bonne idée ne suffit pas à faire un bon jeu vidéo. Déjà il faut que cette idée présente un quelconque intérêt vidéoludique. Ce qui dans le cas d'El Shaddai: Ascension of the Metatron n'est pas gagné d'avance.
Résumons le scénario à sa plus simple expression: on vous propose ici la bible vue à la sauce Samouraïs de l'éternel. Rien de plus, rien de moins.
Le fait que ce titre soit placé dans un univers basé sur la religion catholique n'a aucun impact sur l'aventure en tant que telle. C'est un prétexte comme un autre pour vous forcer à incarner un quelconque blondinet Hyoga-esque destiné à terminer un arc narratif censément profond. (Et cela engoncé tel qu'il l'est dans une armure blanche fort proche de celle du Chevalier du Cygne.)
Vous me direz sans-doute que s'inspirer de la mythologie est normal car c'est une forme archétypale de narration humaine accessible à tous. Ce n'est pas faux. Mais souvent, on utilise telle ou telle philosophie comme décor afin de faire passer l'un ou l'autre message. Ou même pour mettre en exergue l'une ou l'autre valeur communément associée à ce dont on s'inspire. Ici, non.
Il est juste question de se servir d'un univers pratique, car déjà créé par quelqu'un d'autre, afin d'en habiller un petit clone moyen de Devil May Cry.
Ah, et cela donne quelques termes cools difficiles à prononcer en japonais aux doubleurs du truc. Chic, double exotisme.
La structure même d'El Shaddai pose problème. Ce jeu épuré à l'extrême se veut presque abstrait.
Or un tel processus fait ressortir comme autant d'évidences la pire faculté de son gameplay: la répétitivité de sa structure. Dans ce jeu, on s'ennuie et l'on voit même pourquoi.
La routine tourne en boucle autour d'une formule par trop visible: combat, progression de quelques mètres, combat, progression, cinématique. Ennui. Le tout symbolisé par quelques coursives courbes qui donnent sur de plus grande plate-formes ou, oh non, l'on va se battre de la même manière qu'il y a de cela dix minutes. Parfois, le jeu vous lance une séquence acceptable de plate-formes dans les dents. Surprise, c'est joli et on s'amuse quelques instants. Puis pan, c'est reparti dans l'autre sens.
(Remarquons cependant la présence d'une idée de gameplay. Vous devrez voler constamment les armes ennemies pour les utiliser dans un jan-ken-pon continuel contre la machine cruelle. Cela ne suffit pas à sauver le tout; mais c'est une chouette petite touche dans un titre qui pad en main manque de personnalité.)
Paradoxe pur, c'est aussi l'un des plus beaux jeux qu'il m'ait été donné de voir ces vingt dernières années. Si ce qu'il vous propose de faire est dénué d'intérêt, l'endroit où l'action se déroule marquera cependant les esprits. Nulle part ailleurs vous ne verrez une forme fractale de beauté se marier avec des textures mouvantes dignes d'un petit maître impressionniste. Le pari esthétique est clairement réussi et ne manque pas d'audace dans un univers vidéoludique où l'on se contente trop souvent de faire l'apologie des murets bruns.
Comme je vous le disais il y à de cela quelques lignes avoir une idée ne suffit pas à faire un bon titre. Non, il faut encore que cette idée porte sur ce qui fait un jeu. Et confier les rênes d'un pareil projet à quelqu'un connu pour la qualité de son design - ici Takeyasu Sawaki, l'homme qui dessina Dante et Amaterasu - fait porter tout le discours du titre sur l'esthétisme.
Alors qu'il devrait se concentrer sur la pure idée d'amuser. Un jeu, c'est censé servir à ça.