I don't want to set the world on fire
Traité comme le mal aimé de la série (FO1, 2 et 3 ; FO Tactics sorti entre ces deux derniers étant plus un genre de spin-off), Fallout 3 est le mix parfait entre Bioshock pour le côté rétro et TES pour les mécaniques de jeu.
Je pense que ma critique sur FO1 suffisait à retranscrire à quel point l'univers m'avait emballé. Sale, délabré, ruiné, mis à sac par les derniers survivants d'une humanité quasiment éteinte, le tableau qui y était peint n'épargnait aucun détail de ce que la bassesse humaine peut accomplir quand tout est perdu. FO2 faisait même encore plus fort dans ce sens-là, brandissant fièrement son majeur dressé en direction du politiquement correct (tout le monde se souvient encore du fameux studio de réalisation de films pornographiques.)
Fallout 3 était l'occasion (douteuse pour certains, inespérée pour d'autres) d'explorer cet univers, modelé en 3D. Et même si graphiquement le moteur du jeu commence à se faire vieux, le résultat est toujours aussi bluffant. La 3D permet un souci du détail que les (charmantes) bouilles de pixels des précédents opus ne pouvaient offrir. A la TES, il est désormais possible d'interagir avec la quasi-totalité des objets du jeu. Ce n'est pas toujours utiles, mais l'immersion s'en trouve renforcée.
Immersion qui était un des gros points forts de la série des Fallout. Quel fan de la série n'a jamais rêvé de parcourir les terres calcinées par des décennies de guerre nucléaire de ce qui reste de la grandiose civilisation américaine ? De tomber sur un camp de réfugiés livrés à eux-mêmes, au détour d'une route ? De pouvoir éviter les embusquades de pillards en observant les alentours ? De prendre furtivement d'assaut un camp de super-mutants ? D'explorer chaque bâtiment, chaque ville, chaque région de ce monde désolé en 3D ?
La 2D avait ses avantages, et je suis le premier à la préférer à la 3D par nostalgie, mais le niveau de détail et d'immersion ici atteint est tel qu'on pardonne à Bethesda d'avoir ainsi altéré l'âme du jeu. Par ailleurs on salue la nouvelle diversité des environnements, chose qui manquait cruellement aux premiers FO et à leurs villes graphiquement identiques.
Pour continuer avec l'ambiance, le fameux Pip-boy offre désormais une fonction radio, qui permet notamment de savourer les nombreux morceaux de jazz bien rétro choisis par les développeurs. Cette fonctionnalité rend hommage aux premiers Fallout, qui faisaient des Ink Spots leur groupe de musique fétiche (mais qui au final ne comportaient in game qu'une poignée de musiques d'ambiance très redondantes.) Quant aux musiques d'ambiance du jeu, elles sont plutôt discrètes tout en étant jolies, et c'est tout ce qu'on leur demande.
Autre modification, de taille cette fois-ci : le gameplay. Temps réel oblige, le jeu perd en tactique ce qu'il gagne en dynamisme. Les combats très stratégiques laissent place à des échanges de coups relativement bourrins, pour ne pas dire brouillons. Heureusement, le panel d'armes à notre disposition, les multiples interactions avec l'environnement et le fait de pouvoir cibler n'importe quelle partie du corps d'un ennemi saupoudre le tout d'une pincée de tactique. Point qui m'a en outre très agréablement surpris : le fait qu'il soit possible de réduire littéralement un ennemi en charpie, comme c'était le cas dans les épisodes 2D. Le jeu n'a rien perdu de son côté gore à ce niveau-là, et c'est une bonne chose.
Son côté glauque qui faisait tout le cachet de l'univers semble par ailleurs resté intacts. Entre les démembrements, les laboratoires sombres et leurs expériences ratées, les carcasses sanguinolentes, on est servi niveau hémoglobine et bestioles dégueulasses. Par ailleurs, la violence verbale dont usent les personnages me paraît un cran au-dessus de ce qu'offraient les volets 2D. Carton rouge en revanche à la VF, compréhensible mais bien souvent maladroite, le tout étant servi par des doublages de qualité variable. Ca n'aurait pas été un problème s'il avait été possible de passer le jeu en anglais en modifiant la langue de la console, mais malheureusement on est forcés de se contenter de la VF.
Alors non, le jeu n'est pas parfait. Comme dans tout TES-like, la taille de l'environnement et le nombre hallucinant de PNJ, de lieux et de dialogues se solde invariablement par un lot de bug (plantages, notamment.) L'IA reste quant à elle fidèle à la série, c'est à dire désastreuse (et du fait de la 3D, les PNJ alliés deviennent désormais complètement inutiles. Ils n'arrêtent pas de se bloquer dans le décor, de mourir de chutes stupides ou de se jeter vers le premiers groupe de monstres à portée même si la bataille est perdue d'avance.) On pestera également contre les ennemis humanoïdes, qui n'ont aucune peine à nous dégommer à 2km de loin alors qu'ils sont équipés d'une carabine de base totalement imprécise - tandis qu'il faut, à nous joueurs, être à au moins 50m de distance pour les viser convenablement avec un fusil de sniper.
Au niveau technique, le jeu ne brille pas par sa qualité graphique même si certains effets sont plutôt réussis (démembrements, explosions, ...) Les graphismes sont globalement fades, d'autant que la version PS3 est comme d'ordinaire la moins gâtée, avec un aliasing omniprésent qui pique un peu les yeux. Et si les textures des différents personnages sont plutôt réussies, les animations sont en revanche robotiques.
Dernier point noir, qui est plus une tare de la série qu'un défaut propre au jeu : le fait que certaines compétences soient très dispensables (troc, armes lourdes...), là où certaines autres sont incontournables (discours, crochetage, armes légères...) De ce fait, la rejouabilité du titre ne s'appuie pas sur le fait de pouvoir jouer un perso aux compétences différentes, mais plutôt à l'alignement distinct.
Pour résumer, si la saveur est différente, on peut dire que le plaisir est intact. Parcourir les ruines de la Californie dévastées par la guerre en agissant sur le monde à notre façon est toujours aussi plaisant, même si cela a pris une forme différente. Soyons réalistes : de toute façon, Fallout n'aurait pas pu rester ce qu'il était, en 2D toute pixellisée avec ses 3 musiques, ses 4 modèles de personnages, ses graphismes redondants et son gameplay mollasson. Il fallait que la série adopte une nouvelle forme, mieux adaptée à cette gen, au nouveau public et au multisupport. FO3 réussit l'exercice avec brio, et ouvre à la série un bel avenir sans renier son passé (il suffit de jeter un oeil à New Vegas pour s'en rendre compte.)