Un jeu Ubi Soft, on peut toujours s'attendre à ce qu'il soit impeccablement marketé. Si le jeu vient de Michel Ancel ou Eric Chahi, il gagne en plus un bonus chauvinisme/boost des ventes dans l'Hexagone. Enfin, si les premières images du titres laissent transparaître un trip poético-zen, on peut enclencher la machine à bullshit et commencer à compter les billets.
Tout ça pour dire que From Dust part avec un avantage. Alléché par un god game poétique, on commande, et on se retrouve avec un Canada Dry à l'arrivée. Ça a l'odeur du god game, l'apparence du god game, mais ce n'est pas un god game : déjà parce qu'on n'y joue pas un dieu (ça paraît idiot, mais commençons par le plus évident) mais plutôt un intermédiaire chargé de modeler Mère-Nature à la convenance de sa tribu (tiens prend ça dans ta gueule Nicolas Hulot), et puis surtout parce que dans les faits, From Dust ressemble davantage à Lemmings qu'à Populous.
On fait avancer des bonshommes idiots de totem en totem, en prenant soin de pelleter un maximum de terre pour leur créer un passage et ne pas les faire trébucher dans une flaque d'eau. Vu sous cet angle, le jeu a quelque chose de génial qui nous renvoie à notre propre humanité : l'être humain est incapable de s'adapter à son environnement, c'est à l'environnement de s'adapter à lui. Délicieusement malsain, n'est-ce pas ? Evidemment, c'est particulièrement tendancieux de m'engouffrer dans ce cynisme bon marché, et pourtant loin de moi l'idée de démarrer une polémique aussi puérile à propos d'un jeu vidéo. Disons que c'est un point de détail : si From Dust vous attire par sa thématique écologique, prenez garde, car il y a quand même des humains dedans, et aux dernières nouvelles ceux-ci sont souvent en contentieux avec Dame Nature.
Mais gardons le point Godwin de côté pour les commentaires, et intéressons-nous au jeu. Et c'est vrai qu'il est amusant, ce jeu. Le système est simple mais efficace, on doit protéger une civilisation des dangers de son environnement avec pour seuls outils de l'eau, de la lave et de la terre. Les complémentarités sont respectées, et savoir gérer les trois outils en même temps s'avérera rapidement nécessaire afin de pouvoir modeler le paysage à sa convenance. Il sera de même possible d'utiliser trois types d'arbres, à feu, à eau, et explosifs, mais en dehors de quelques gimmicks ils apparaîtront plus anecdotiques qu'autre chose.
Grâce à sa mécanique bien huilée, le jeu est assez addictif. Il rappelle bien évidemment les longues journées à la plage, passées à défier la mer à l'aide de châteaux et autres constructions de sable (des circuits automobiles pour ma part), sauf que l'inclusion des hommes rend le tout plus frustrant qu'autre chose. Les faire survivre étant l'objectif principal de chaque carte (et ce n'est pas une mince affaire), on passera davantage de temps à veiller sur eux qu'à réellement s'amuser avec le terrain. Et c'est dommage, car l'objectif secondaire consistant à recouvrir de végétation la majorité du niveau est amusant et met vraiment en valeur les particularités du jeu. La partie humaine en comparaison paraît fade, et alors que l'on est incité à jouer à la pelleteuse on regrette le manque de challenge général du titre, qui ne base sa difficulté que sur l'extrême idiotie des hommes que l'on dirige.
Oui, dans ce jeu les indigènes sont idiots (encore une autre belle mise en abyme de la condition humaine), mais du genre tellement idiots que ça en devient insultant. Une flaque d'eau en plein milieu de leur chemin ? Plutôt que de la contourner, il préféreront appeler à l'aide TOUTES LES TROIS PUTAINS DE SECONDES jusqu'à ce que vous régliez le problème. Une petite quantité d'eau s'écoule sur leur village ? AU SECOURS ON VA SE NOYER. De la lave en fusion bloque le chemin ? PAS DE PROBLÈME ON LA TRAVERSE (ça m'est vraiment arrivé). Le plus énervant finalement étant de jouer un rôle d'intermédiaire entre la tribu et les divinités, ce qui obligera à donner des ordres sur où et quand construire un village, pensant la route dégagée, juste pour se rendre compte qu'une crevasse bloque le chemin de ces lemmings en herbe. Il aurait été bien plus intéressant de n'avoir aucun contrôle sur ces bestioles et les voir s'installer au gré de nos aménagements territoriaux, ce qui aurait apporté un challenge supplémentaire à l'aventure.
From Dust avait le potentiel pour être un jeu de gestion envoûtant, comme en témoignent les excellents derniers niveaux, malheureusement le plaisir de créer un environnement à son image n'est mis en avant que bien trop tard, au profit d'un côté réflexion amusant mais pas suffisamment poussé. On y revient toujours avec plaisir, histoire de passer un niveau un peu récalcitrant, mais impossible de ne pas être frustré en terminant l'aventure, tant le concept ne semble qu'effleuré. Et ce ne sont pas les défis inintéressants qui viendront changer la donne malheureusement. Restent toujours quelques niveaux agréables à refaire ou à perfectionner, mais ça ne suffit pas.
Le titre est toutefois à essayer, de par son approche atypique, et voir la Nature évoluer au rythme de nos actions est hypnotique, mais il faudra passer outre de nombreux défauts. From Dust est assez exigeant avec le joueur, même si l'on arrive à percevoir clairement les qualités du jeu, il ne faudra pas tenir rigueur des problèmes de maniabilité, conjugués à une caméra trop rigide, du pathfinding catastrophique, des graphismes manquant de finesse (le jeu tourne dans une résolution d'écran bâtarde), des ralentissements inexplicables ou des quelques bugs sonores qui parsèment le titre, pour en profiter. Être original et poétique ne suffit plus de nos jours.