Il y a quelques mois encore je jouais à « Dead Cells », dubitatif.
Qu’un jeu nous balance comme ça, à la débottée, dans un dédale de couloirs pour défourailler des monstres à la pelle, espérant qu’on sache s’amuser d’une progressivité seulement construite autour d’armes et de sorts acquis à force de refaire sans cesse la même chose, moi j’avais trouvé ça… assez limité.
Alors quand on m’a vendu cet « Hollow Knight » comme un Metroidvania dans lequel on parcourait un dédale de couloirs pour y butter des monstres et durant lequel on passait l’essentiel de son temps à collecter de nouvelles capacités et de nouveaux charmes, forcément moi j'ai pensé à mon expérience de « Dead Cells » et ça m’a refroidi.
Et pourtant...
Alors j’en entends déjà certains se dire : « Mais pourquoi il compare "Dead Cells" et "Hollow Knight" lui ?! Ce sont deux jeux qui n’ont rien à voir ! »
Et à ceux-là je leur répondrai qu’effectivement – je suis d’accord – ces deux jeux n’ont vraiment rien à voir.
Mais quand on y réfléchit bien, si au final ils n’ont rien à voir, ce n’est pas lié à leurs mécaniques fondamentales au fond bien proches, mais c’est davantage corrélé à toute une multitude de petits détails qui, mis tous ensembles bout-à-bout, aboutissent en effet à deux résultats bien différents.
Et moi c’est vraiment cela qui m’intéresse dans ce « Hollow Knight » : c’est montrer comment avec une somme de petits détails on arrive au final à fournir une proposition de jeu totalement différente. .
Alors c’est tombé sur « Dead Cells » comme ça aurait pu tomber sur n’importe quel « métroidvania » (les hasards de mon agenda vidéoludique) car en effet, à première vue, « Hollow Knight » n’a vraiment rien d’extraordinaire et de singulier pour lui, et il aurait pu être aisément comparé à plein d’autres titres connus du genre.
Labyrinthe 2D. Plateformes. Ennemis à éliminer. Allers et retours réguliers pour passer ce qu’une nouvelle compétence acquise nous permet de débloquer… En somme du classique, rien que du classique.
Alors certes, la jouabilité est aux petits oignons, ce qui n’est pas donné à tout le monde.
Le personnage répond au doigt et à l’œil. Le gameplay est très réactif et nerveux. Et c’est vrai que rien que cet aspect là, ça apporte déjà un très gros plus à ce titre.
Mais bon, « Dead Cells » aussi avait cette qualité. Et pourtant autant « Dead Cells » ne m’a fait ni chaud ni froid, autant « Hollow Knight » m’a assez rapidement accroché… au point même que j'en devienne très vite accro.
C’est donc que la différence s’est joué ailleurs que sur ces mécaniques de base du « métroidvania ».
Mais alors dans ce cas : sur quoi ?
D’abord, premier point fort, « Hollow Knight » dispose d’une direction artistique qui a beaucoup de cachet.
Une DA qui me parle beaucoup.
Et contrairement aux petits gars de Motion Twins, ceux de la Team Cherry ont vraiment pris la peine d’appuyer leur jeu dessus.
Car si, dans « Dead Cells », dès qu’on appuie sur « nouvelle partie », on se retrouve directement propulsé dans le feu de l’action avec une musique punchy, « Hollow Knight », lui, préfère prendre le parti d’une cinématique d’introduction. Celle-ci est certes courte et minimaliste, mais elle pose un style, une atmosphère et surtout elle pose déjà le joueur dans un rapport d’intrigue vis-à-vis de ce monde qu’on va devoir découvrir et parcourir.
Quel est donc ce personnage que nous allons incarner et qui semble guidé par une quête dont nous ne savons encore rien ?
Quels sont ces événements passés qui ont touché cet endroit qu’on nous demande d’explorer ?
C’est certes peu mais c’est suffisant. Suffisant pour changer notre rapport à l'espace que nous allons être amenés à parcourir.
Quand « Dead Cells » m’appelle tout de suite à l’action et à la baston, « Hollow Knight » m’invite à l’exploration et à la découverte.
Certes ce qui suit derrière est au fond identique – on fonce dans le tas sans savoir vraiment pourquoi et on tape tout ce qui se trouve sur notre passage – mais mon approche en tant que joueur est dès le départ modifiée…
Ainsi, mes premières heures passées au sein d’Hollownest furent certes un moment d’apprentissage et de prise en main du gameplay mais pas que. J’essayais en parallèle de comprendre cet endroit, ce que j’y faisais, quel secret il pouvait receler.
En somme je m’imprégnais.
Et je le faisais d’autant mieux que – deuxième détail qui n’en est pas vraiment un – « Hollow Knight » n’est pas un Rogue-lite.
Ça veut donc dire que chaque salle a été travaillée, réfléchie et peaufinée par des humains. Elle n’est pas le simple produit d’un simple logiciel procédural.
Et on a fait attention, dans « Hollow Knight » qu’aucune salle ne se ressemble. Chacune à sa spécificité, avec une disposition précise d’ennemis et de plateformes, si bien qu’à faire des allers-retours dans « Hollow Knight » on apprend forcément.
On apprend à ne plus se faire avoir à chaque fois par ce monstre qui est là – pile à cet endroit bien chiant – et dont on loupe régulièrement l’approche à cause de ce rebord tout pourri ou de cette plateforme bien petite. Du coup, chaque passage est l’occasion de peaufiner son évitement, son saut, son déplacement, son enchainement… Et paradoxalement moi je trouve ça beaucoup moins répétitif que d’enchainer des centaines de tableaux, certes différents, mais sans âme ni sans aspérité particulière, comme c’est le cas dans un rogue-lite.
Alors après, effectivement, pour que ça marche dans « Hollow Knight » il faut vraiment que l’équipe ait pensé habilement chacune de ses salles, en fonction de la fréquence par laquelle on sera amené à y passer mais aussi en fonction de notre moment d’avancement dans la partie et donc de notre phase d’apprentissage.
Et à ce petit jeu là, je trouve l’équipe de Team Cherry particulièrement perspicace dans ses choix. Pour éviter de lasser, certaines salles se retrouvent suffisamment périphériques par rapport aux principaux « axes » de circulation pour qu’on puisse, au bout d’un moment, les court-circuiter. D’autres fois, c’est l’acquisition de nouvelles compétences qui va nous permettre de traverser certaines autres salles plus rapidement et facilement. Et parfois même – comme c’est le cas du premier monde – au bout d’un moment celui-ci va changer d’aspect et se gratiner de nouveaux monstres afin de rehausser un peu le défi et pousser encore davantage à l’apprentissage.
Rien que là-dessus, il y a tout un travail de réflexion et d’optimisation qui est assez vertigineux tant l’architecture globale du labyrinthe apparait – manette en main – variée et limpide.
Chapeau.
D’ailleurs, ce souci de variété, on le retrouve partout.
Variété dans les décors qui fourmillent de détails.
Variété dans les monstres combattus aussi. Chacun d’entre eux dispose de patterns vraiment spécifiques mais très aisément identifiables. Un régal pour varier en permanence nos styles de combat.
Variété aussi dans les challenges proposés. Car parfois, pour avancer, il faudra en découdre avec un boss plutôt ardu. D’autres fois il faudra simplement parcourir un enchainement de tableaux particulièrement hostiles. Et puis, à d’autres occasions, ce sera à une véritable épreuve de sauts millimétrés et de voltiges à laquelle il faudra se confronter.
Un régal.
Et puis enfin – ce qui a fait que je me suis laissé engloutir progressivement par ce jeu – c’est qu’il est paradoxalement assez ouvert.
Si au départ une ligne directrice attendue parait assez évidente – avec des passages obligés qui nous bloquent si jamais on ne parvient pas à les franchir – au bout d’un moment les possibilités deviennent multiples.
Parce qu’on butte sur un boss on peut se retourner vers tel challenge de plateformes ou bien on peut se décider de repartir à la recherche de ces deux trois éléments dont on sait maintenant qu’ils nous sont accessibles grâce à une nouvelle capacité.
Et ce qu’il y a de merveilleux là-dedans, c’est que c’est parfois en pensant accomplir une babiole qu’on se retrouve subitement à découvrir tout un niveau et ainsi poursuivre notre aventure sur un sentier tout nouveau. Parfois même, ce nouveau bras d’aventure nous permettra d’obtenir un don ou un charme qui – justement – va nous faciliter la vie sur ce fameux boss qui nous bloquait initialement.
Plus j’ai avancé dans « Hollow Knight » et plus le champ de possibilités devenait large.
Parfois l’obtention d’une simple upgrade de santé ou d’armement renverse la difficulté d’un combat.
Parfois c’est l’obtention d’un charme particulier qui, combiné à d’autres, peut changer la donne.
Et le simple fait qu’on puisse bidouiller notre build un petit peu comme on veut devient un élément supplémentaire d’exploration et de variation de ce jeu.
Voilà donc comment, à force de multiples choix judicieux et de petites touches pertinentes de la part de la Team Cherry, je me suis retrouvé happé par ce jeu, au point même que celui-ci me fasse accepter ce que d’habitude je n’accepte pas.
Par exemple, les boss, je n’aime pas ça. Mais vraiment pas ça.
Or ce jeu, des boss, il en contient une bonne flopée (une grosse vingtaine) et d’un type que je n’affectionne pas particulièrement.
Parce qu’un boss d’ « Hollow Knight » n’a rien à voir avec – par exemple – de bons vieux boss Nintendo qui te laissent tranquillou prendre tes distances le temps que tu comprennes leurs pattern avant que tu leur assènes les trois ou cinq coups classiquement fatidiques.
Non, ici vraiment rien à voir.
Dans « Hollow Knight », les boss sont de vrais sacs à PV particulièrement nerveux qui ne laissent aucun repos. Face à ces boss-là, attendre, c’est risquer de prendre. S’éloigner, c’est risquer de se faire sniper. Alors il faut accepter de mourir encore et encore, jusqu’à apprendre les bons pas de danses qui nous permettront de rétamer ces vilains fripons.
Après, ça a beau nécessiter une certaine technique et une certaine patience, ça reste toujours faisable car les combats restent lisibles et ouverts.
Il faut juste avoir les nerfs solides. (Ce que je n’ai pas toujours.)
Il faut d’ailleurs savoir que, globalement, ce jeu est assez exigeant, pour ne pas dire plutôt dur.
C’est une difficulté acceptable car régulièrement fluctuante et habilement calibrée, mais ça reste difficile quand-même. Et pour moi qui aime bien jouer aux jeux pour me détendre et me reposer, c’est parfois compliqué.
C’est terrible de rentrer chez soi le soir et de se dire : « tiens j’aimerais bien me faire une petite partie de "Hollow Knight" mais je crois que c’est mort parce que là je viens de croiser cette *#?¡¤ d’Hornet sur le chemin et je sens que si je joue ce soir, je vais passer une heure à me faire fister par elle comme il faut… »
C’est d’ailleurs cela qui m’a amené au final à ne pas lui mettre la note absolue de 10/10.
Parce que cette difficulté, c’est elle qui fait qu’aujourd’hui, malgré une bonne cinquantaine d’heures de jeu au compteur, je risque certainement de ne pas finir le jeu.
Bah ouais, j’ai l’impression que j’ai pratiquement tout visité, mais il me reste ces quelques boss que je n’ai pas envie d’aller poutrer.
Trop de temps. Trop d’énergie. Trop de concentration.
Et puis voilà quoi : j’aime pas les boss !
(Enfin bon, je dis ça, mais ça se trouve dans quelques mois, j'y retournerai...)
Du coup je ne verrai peut-être jamais la fin de cet « Hollow Knight », du moins pas en jouant.
Et ça me frustre un peu. Beaucoup même.
Parce que l’air de rien, même si on ne nous raconte pas beaucoup d’histoire dans ce jeu, on nous montre de beaux décors suggestifs qui finissent par dessiner une logique et une organisation sociale à tout cet univers, des personnages toujours amusants à croiser et surtout on perçoit que tout cet endroit transpire d’une histoire, d’un récit, d'un passif…
En cela oui, « Hollow Knight » a vraiment quelque chose de magique. De captivant.
De puissant.
…Et tout ça alors qu’au fond, ça utilise plus ou moins les mêmes mécaniques de jeu qu’un « Dead Cells » hein !
Comme quoi, dans le jeu vidéo comme ailleurs, la somme des détails périphériques forment parfois un tout. Ils forment même parfois un cœur.
Car plus j’y repense et plus j’en suis convaincu : la grande force de cet « Hollow Knight » repose dans cet art consommé du bon geste au bon endroit, de la justesse par le minimalisme, de l’exigence dans chaque détail.
Et pour moi ce jeu le prouve : parfois, le talent, il se trouve dans les détails…
Et ce jeu – je peux vous le dire – il est diablement talentueux.