Inside
8.1
Inside

Jeu de PlayDead, Arnt Jensen, Dino Patti et Jeppe Carlsen (2016PlayStation 4)

            Ce petit garçon au pull rouge, sans visage, dans une forêt hostile. Et le jeu commence : aucun menu, rien. Tu as ta manette en main et déjà il faut courir. Les seuls gens que l’on croise sont ceux qui te plantent des fléchettes dans le corps, qui essaient de t’étrangler ou de te chloroformer la gueule malgré les dix ans d’âge. 
Le monde proposé par Inside est intemporel, j’ai au départ situé la scène dans l’avant-guerre, puis dans le pendant : au sein de l’occupation, de la résistance. Au milieu de tout ce que la guerre a pu engendrer de plus monstrueux. Puis, plus cette trame avance, plus le contexte historique devient anachronique, incongru. Dystopie, uchronie : ni avant ni pendant ni ensuite. A mes yeux il s’agit avant tout d’une réflexion individuelle, dont le fond demeure la condition humaine, l’humanité face à elle-même, à son expérience. « Das Experiment » : je veux dire, les cadavres de cochons et les droïdes dignes de Spielberg parlent d’eux-mêmes. Ce jeu m’a rendue insupportable, son atmosphère agrippe littéralement, j’étais sur les nerfs. Ce qu’il se prend dans la gueule ce petit garçon, sans que l’on ne sache jamais pourquoi ni pourquoi, ça hérisse chacune des membranes nerveuses.
On reconnaît la patte de Limbo, avec cette cruauté harmonieusement dispersée, seulement dans Inside il y a cette espèce de poétique, d’envoûtement, qui m’a fait terminer le jeu en une nuit. Le graphisme est magnifique, les rares couleurs grisent nos sens et le son fait tout le reste du travail. Ce petit garçon sans visage, mais que l’on entend suffoquer, haleter et gémir, ces humains qui n’en sont plus, ce voyeurisme dérangeant, digne d’un des meilleurs épisodes de Black Mirror : cette angoisse, sournoise, qui traîne. J’ai sursauté, de nombreuses fois. Le principe du jeu reste le même que son grand frère ; des énigmes, des énigmes qui énervent parce qu’elles font sans cesse revenir à la toute base d’une logique altérée par l’habitude : il faut oublier que nous sommes dans un jeu vidéo, et vraiment prendre la place de Kévin (J’ai fini par lui donner un prénom, histoire de clôturer mon attachement).
Je conseille alors le binôme ; en tout cas pour ma part ça a sans doute sauvé mes nerfs et mon impatience. Quelqu’un de préférence qui a déjà fait le jeu. Car l’intrigue est si mystérieuse et tellement ficelée que l’on veut juste la voir aboutir.
On dirait juste un régime totalitaire qui serait en mesure de s’appliquer dans quelques années. Je sais pas, en faisant croire aux gens qu’il y a un Pokéstop pas loin, en profiter pour les lobotomiser tous.
Alors qui est ce petit garçon, je ne sais pas. Que devient-il au terme du jeu ; je n’ai pas réussi à être sûre. Paraît-il que la fin alternative (qui se passe seulement si l’on désamorce toutes les bombes cachées, et il y en a beaucoup, j’en n’ai trouvé que quatre et encore, c’était de la chance à chaque fois) apporte un peu plus d’éclaircissements, seulement je sais que je ne vais pas reprendre ce jeu de suite. D’après mes recherches d’une pertinence sans égale « Inside interprétation fin » ; « Inside jeu analyse », visiblement je ne suis pas la seule à m’être arraché les veuchs sur l’intrigue, et peu de gens proposent une interprétation sûre et parfaitement crédible. Je n’ai rien contre ce mystère, seulement je me dis qu’on n’invente pas un jeu aussi macabre, aussi dérangeant sans arrière-pensée derrière. Mais après tout pourquoi pas ? Inside m’a tenue en haleine pendant presque quatre heures et il m’a bluffée. Il y a, entre autres, une histoire de gravité terre/eau qui m’a littéralement fait perdre tous mes moyens, mais à en devenir stupide, et à risquer la vie de Kévin une bonne dizaine de fois avant de comprendre le plan spatio-gravitationnel proposé.

Non mais c’est bien joué.


P.S : Le petit plus, c’est de jouer à ce jeu pas totalement sobre. Tout ce que j’ai évoqué, le son, le graphisme et l’humanité proposés s’accrochent à la moindre parcelle des nerfs. Peut-être la raison pour laquelle j’ai tant vécu le jeu, d’ailleurs.


P.S² : Aurore, si tu me lis, si tu m'entends, si tu me vois quelque part au fond de ta Belgique frelatée, ce jeu il est fait pour toi.

TPPT
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le 31 août 2016

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