Inside
8.1
Inside

Jeu de PlayDead, Arnt Jensen, Dino Patti et Jeppe Carlsen (2016PC)

Information : le texte qui suit vise avant tout à faire ressortir les aspects négatifs du titre afin de contrebalancer un engouement quelque peu immérité, d'où la note. En vérité ça se joue sans déplaisir : à découvrir en soldes.


Six ans après le succès de son jeu de plates-formes à l'ambiance morbide Limbo, le studio indépendant Playdead nous revient avec sa suite spirituelle, Inside. Simple copié-collé ou véritable enrichissement de la formule ?



Les mécaniques



Soyons honnêtes : si la patte Playdead est bien là, on n'est pas en face d'un Limbo bis. On reconnaît la progression en 2D et les mécaniques de base (sauter, actionner des leviers, pousser des caisses...), mais l'environnement n'est pas le même.


D'abord, il y a un arrière-plan, qui n'est pas seulement là pour être joli (à ce propos, le jeu est visuellement agréable à regarder, mais pas à s'en décrocher la mâchoire comme le prétendent certains critiques trop enthousiastes), mais qui est aussi source de menaces.


Ensuite, la composante die and retry des énigmes est pratiquement évacuée, rendant Inside plus facile que Limbo – trop pour ceux qui seraient à la recherche d'un challenge. Ce dernier point est assez compréhensible puisque, plus que son aîné, Inside mise sur sa narration et sur sa contemplation. Dans cette optique, les animations du héros sont extrêmement fluides et réalistes et les scripts sont nombreux.


Et le but de tout cela ?



L'histoire



Vous incarnez un petit garçon en cavale pour une raison inconnue et évoluez dans un monde dystopique qui semble à l'agonie (couleurs froides, lieux abandonnés). D'abord traqué, ce qui ressemblait à une longue fuite en avant se révèlera être une quête : vous ne fuyez pas (seulement) quelque chose, vous cherchez quelque chose. Une chose qui sera l'objet de toutes les discussions autour d'Inside, la plupart enthousiastes, certaines dubitatives. Petit cours de rattrapage dans le paragraphe spoiler suivant :


Vous découvrez que la classe dirigeante de ce monde, qui contrôle les corps de la population, possède dans une cuve au fond de ses labos un amas de chair constitué de corps agglutinés. En libérant ce "blob", vous êtes vous-même absorbé et contrôlez désormais ses déplacements. Votre évasion crée la panique, mais en même temps les humains qui vous entourent semblent chercher à vous aider. Finalement votre blob sort du complexe en trouant un mur, dévale une colline emporté par son élan puis s'arrête, épuisé semble-t-il, au bord de l'eau, éclairé par un rai de lumière. Crédits.


Cette fin a donné lieu à quantité d'interprétations, alimentant la publicité autour du jeu. La plupart des critiques ont salué la mise en scène et la fin, l'érigeant en Moment Fort du Jeu Vidéo dans son ensemble.


Moi je dis : on se moque de vous.



Narration et propos



Certes, Playdead brasse avec efficacité des thèmes forts de l'angoisse (dystopie, apocalypse, enfance volée, expérimentation sur l'homme, perte de notre humanité/individualité...), mais cette fin n'amène que deux conclusions possibles : soit Inside n'a pas de propos et balance à l'aveuglette des sources d'étonnement et d'interrogation pour "remuer" le joueur vainement, soit Inside a un propos mais il est tellement abscons qu'il est tout aussi vain. Personnellement, je penche pour la première proposition.


Chacun a pu constater que peu avant la fin se trouve une salle contenant une maquette du tableau final du jeu, laissant entendre que, bien que vous détruisiez tout sur votre passage, votre périple était non seulement prévu, mais souhaité puisque l'on vous guide. Et chacun de s'interroger à juste titre : « Mais qu'ont-ils bien pu vouloir dire ? » Mais rien mon pauvre ami ! Ce n'est qu'un simple effet "wahou" putassier destiné à vous faire cogiter quelques heures/jours sur du vent ! Les plus acharnés d'entre vous reviendront sur les forums partager leurs réflexions en commençant par « Je crois que je suis sur une piste. Ça n'explique pas tout, mais... » Évidemment que ça n'explique pas tout car il n'y a pas d'explication, seulement des théories partielles inventées par les joueurs.


Deuxième solution : il y a une explication. Seulement, près d'un an après la sortie du jeu, personne n'a trouvé celle qui expliquera l'essentiel et fera consensus. Soit c'est fait exprès mais ça n'a aucun intérêt, soit ce n'est pas fait exprès et alors c'est de l'incompétence. Comprenez-moi : je n'ai rien contre les mystères, au contraire. Beaucoup de récits font l'erreur de vouloir expliquer des choses qui ne devraient pas l'être. Mais si le mystère implique de ne pas savoir à quoi sert l'histoire, là c'est de l'esbroufe.


Car que répondrez-vous à celui qui vous demandera : que raconte Inside ?
« Que raconte Inside ?
Inside, ça parle de dystopie, de libre-arbitre...
— Ça, ce sont les thèmes abordés par le jeu. Mais quelle est son histoire et que voulait dire Playdead ? »
Vous allez être bien emmerdé. Tout au plus pourrez-vous laborieusement décrire la succession d'événements constituant le jeu, mais vous serez incapable de relier ces événements pour leur donner du sens. Vous terminerez par :
« Et là on se demande qui vous a poussé à aller là-bas, pourquoi ils ont essayé de vous tuer, pourquoi finalement ils vous guident pour sortir, etc.
— Et ?
— Et alors on ne sait pas. Mais peut-être que... »
En fait, il est bien plus probable que vous vous contentiez de répondre « Inside, ça ne se raconte pas, ça se joue, c'est une expérience avant tout. » Manière de botter en touche quand on est confronté à la vacuité de son propos.


Ce qui est dommage, c'est que Playdead avait l'occasion d'apporter une clé de compréhension de son jeu, grâce à sa quête des balises. En effet, le joueur qui trouvera toutes les balises du jeu (et il y est incité par certaines pièces secrètes, mais encore faut-il qu'il trouve lesdites pièces ou il pensera comme moi qu'il ne s'agit que d'une quête aux succès) aura accès à une fin alternative. Malheureusement, cette fin, au lieu de tout éclairer, apporte de nouvelles sources d'interrogations. Quel dommage, le joueur aurait pu s'exclamer « Ah, c'était donc ça ! Malin ! » mais finalement il s'exclamera encore une fois « Heu ? ».



En résumé




  • Créer un super background à son jeu, la narration par l'arrière-plan, c'est bien.

  • Balancer au joueur des éléments d'intrigue au hasard en lui faisant croire qu'il y a quelque chose à comprendre (ou s'il y a quelque chose à comprendre ne pas lui donner les clefs de cette compréhension), c'est mal.

  • La procédure, c'est de raconter une histoire, puis le public débat pour savoir de quoi ça parle et ce qu'on a voulu dire à la fin. Pas de dire de quoi ça parle, puis le public imagine une histoire bancale avec les miettes d'intrigue et accessoirement ce qu'on aurait pu vouloir dire.

Créée

le 30 avr. 2017

Critique lue 2.2K fois

41 j'aime

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