Il fut un temps où le genre Dungeon Crawl battait son plein. Le principe est simple : le joueur incarne un groupe d'aventuriers progressant en case par case dans un labyrinthe peuplé de monstres et bourré d'objets, de pièges et de secrets. Un gameplay certes rudimentaire mais terriblement addictif qui garanti de longues heures de péripéties dans les entrailles de Pétaouchnok. Parmi les classiques on pourrait citer le fameux Dungeon Master, Eye of the Beholder ou encore Lands of Lore premier du nom. Mais voilà qu'à l'heure où ce genre a sombré dans les plus profondes abysses et n'est plus apprécié que par certains nostalgiques, le studio finlandais Almost Human décide de le remettre au goût du jour en réalisant ce vibrant hommage qu'est Legend of Grimrock.
Là où un Dungeon Master ne s'embarrassait pas d'une histoire, Almost Human pose tout de même quelques maigres bases scénaristiques à son jeu. Le mont Grimrock fait office de prison : les criminels jugés coupables sont jetés dans le puits creusé à son sommet et ont une chance d'expier leurs fautes... si jamais ils en ressortent vivants. L'intérieur de la montagne est en fait constitué d'une multitude de couloirs s'étendant sur plusieurs niveaux, et bien entendu plus l'on s'y enfonce plus le danger est important.
La création de l'équipe est plutôt complète pour le genre. Il y a le choix entre quatre races (humain, minotaure, homme-lézard et insectoïde) et trois classes (guerrier, voleur, magicien), la gestion de quelques caractéristiques comme la force ou la dextérité, plusieurs compétences qui sont propres à chaque classe et enfin chaque personnage peut se voir doté de quelques spécificités (par exemple "résistant au feu", "agile" ou encore "agressif"). A noter la possibilité d'importer ses propres portraits, il est ainsi possible d'envoyer ses potes ou sa grand-mère poutrer des monstres dans le donjon. Une touche bien sympathique. Pour les feignants le jeu propose un lancement de partie rapide, c'est à dire avec des perso préconçus. Une autre option est proposée lors d'une nouvelle partie : le mode oldschool, c'est à dire sans la carte automatique. Il faudra donc la dessiner soi-même sur une feuille quadrillée, le dossier du jeu en contient d'ailleurs une à imprimer. Une petite intention bien sympa pour les vieux hardgamers de la vieille.
Mais lançons-nous sans plus attendre dans les entrailles de Grimrock ! La prise en main sera des plus familières pour les habitués du genre : le déplacement en case par case (avec les touches du clavier ou "à l'ancienne", c'est à dire en cliquant sur les flèches directionnelles avec la souris), le portrait des personnages, les cases représentant leurs mains, leur inventaire, tout ceci ressemble énormément à l'interface de Dungeon Master. La barre de faim a même été conservée ainsi que la gestion du poids (chaque personnage ne peut porter qu'une certaine masse d'objets, attention à la surcharge).
Première constatation : nous débutons l'aventure avec absolument... rien du tout. Pas le moindre objets pas le moindre vêtement, rien de rien. Nous sommes après tout un groupe de prisonniers, qu'espériez-vous donc ? Il faudra s'équiper au fil de la progression dans le donjon. Les objets sont fixes et ne changent pas d'une partie à l'autre mais leur emplacement est bien géré, surtout au début où les premiers équipements sont des plus précieux (même s'ils sont en fait moisis).
Deuxème constatation : bordel, quelle ambiance ! Les murs poisseux recouverts de mousse, les superbes effets de lumière émanant des torches, la bande son discrète mais immersive... le jeu vient tout juste de commencer et l'on a déjà peur de ce qui nous attend au détour de ce couloir, de l'autre côté de cette porte ou encore de ce qui pourrait se faufiler derrière nous. De plus il arrive que la terre se mette à trembler comme si tout était en train de s'écrouler (mais c'est peut-être tout simplement le métro du coin qui passe). Une bonne ambiance lugubre en somme.
Peu de temps après vient la première rencontre. Un escargot géant, AAAAH ! Une bonne occasion de se familiariser avec le systère de combats. C'est simple, il suffit de faire un clic droit sur l'arme (au préalable équipée dans l'une des mains de votre personnage bien entendu) et bim, le gueux se mange un coup. Chose importante : la formation des personnages joue un rôle primordial lors des affrontements. Les deux de devant sont au corps à corps et ce sont eux qui se font taper, et ceux de derrière doivent être orientés magie ou arme de jet car ils sont trop loin pour utiliser une arme de mêlée. Bien entendu si un monstre se trouve à vos fesses ce sont les deux gus de derrière qui risquent de se faire toucher. A noter que le voleur dispose d'une compétence lui permettant d'utiliser une arme de corps à corps alors qu'il se trouve en arrière. De même les lances récupérées sur certains ennemis sont assez longues pour être utilisées de cette façon. Mais il sera préférable pour ces personnages d'utiliser des armes de jets (arc, arbalète, couteau à lancer, shuriken ou même de simples cailloux) ou des sorts. Le système de magie est d'ailleurs plutôt cool : il s'agit de sélectionner une combinaison de runes - il en existe neuf – et de lancer son sort. Le tout répond à une vraie logique : il y a une rune par élément (feu, air, glace et terre) et les cinq autres représentent une notion bien précise même si je serais incapable de dire lesquelles (il me semble qu'il y a la lumière et l'ombre dans le tas). Il faudra bien souvent tâtonner pour trouver les bonnes combinaisons mais rassurez-vous, des parchemins disséminés ça et là dans le donjon indiquent comment lancer les sorts indispensables comme la supra boule de feu qui pète tout.
L'originalité des ennemis n'est pas vraiment de mise : araignées géantes, squelettes en armure, esprits de feu, gros moustiques... heureusement ils sont suffisemment variés et leurs animations sont bien sympa. Les araignées nous sautent littéralement à la gorge (ENLEVEZ MOI CAAAA) alors que les lances des squelettes produisent un effet de relief bien sympathique lorsqu'ils frappent. Le seul problème est qu'il est trop facile de gérer un monstre en combat singulier à partir du moment où l'on dispose d'un espace de 2x2 cases. En prenant le coup on ne se fait jamais taper et lui a tendance à devenir un peu fou. En revanche les phases où nous nous retrouvons enfermés dans un espace peuplé de plusieurs créatures sont plus intéressantes car elles demandent beaucoup de coordination et de stratégie. Se retrouver bloqué entre deux monstres est souvent fatal alors surveillez vos arrières !
Parlons maintenant du véritable point fort du jeu : les énigmes. Le donjon en est truffé, elles sont originales et donnent souvent un peu de fil à retordre. Leur difficulté est progressive, au premier niveau il s'agira de lancer un objet par dessus un trou pour refermer une trappe alors qu'à la fin il faudra manipuler diverses boutons, leviers, niches, téléporteurs, tout en évitant les pièges. Certains puzzle jouent même avec le temps, il faudra alors être assez rapide pour les résoudre. De ce côté là le level design est très bien pensé et offre de belles phases de réflexion. Seul petit bémol : certaines phases sont plus douteuses. Je citerais en exemple la salle des devinettes dans l'un des derniers niveaux où il faut mettre les bon objets dans les niches Le problème étant que si l'on s'est séparé dudit objet (parce qu'on n'en a pas l'utilité tout simplement) et qu'on ne sait plus à quel endroit, on se retrouve un peu bloqué. Heureusement le joueur averti et ordonné ne se laissera pas avoir, non mais !
Concernant la bande son j'ai déjà évoqué l'ambiance du donjon qui est bien immersive (mettez un casque les amis), il est juste dommage que les musiques ne soient pas plus présentes. On a le droit à un superbe thème lors du menu principal et de la création du personnage, et ça s'arrête là. Il est vrai que des musiques ne s'imposent pas lors des phases d'exploration du donjon, c'est même mieux sans, mais je n'aurais pas été contre un léger thème inquiétant de temps à autres.
Enfin j'ai gardé mon unique vraie déception pour la fin, il s'agit justement de... la fin du jeu. Les derniers niveaux sont moins convaincants au niveau du décor et même du level design. Le boss arrive de nulle part, on ne comprend rien, rien n'est expliqué, on le tatanne et le jeu se termine directement sans la moindre conclusion. Terminer sur une telle impression alors que le reste du jeu est une réussite, c'est tout de même bien dommage.
Quoiqu'il en soit Legend of Grimrock remet le Dungeon Crawl au goût du jour avec brio en conservant beaucoup d'ingrédients traditionnels tout en améliorant certains aspects comme les graphismes ou l'ergonomie de l'interface. L'aventure n'est pas très longue mais il existe un certain potentiel de rejouabilité, surtout si le joueur souhaite découvrir absolument tous les secrets du donjon (il y en a plus de 70, mazette !). Il faut enfin souligner que lors du lancement de la partie le menu propose de choisir son donjon. Pour le moment seul Grimrock est disponible mais cette option a de quoi laisser rêveur : des extensions verront probablement le jour, enrichissant ainsi le contenu du jeu. Peut-être un éditeur de donjon sera t-il même proposé aux joueurs ? Je pense donc pouvoir affirmer que Legend of Grimrock a un bel avenir devant lui. Car nous étions nombreux à attendre un revival du genre. Almost Human l'a fait, à nous de le faire perdurer !
