L’homme a toujours été fasciné par le feu. Eh oui, c’est bien par cette phrase d’une banalité absolue que j’ai décidé d’ouvrir cette critique. Car voyez-vous, j’ai dans mon entourage deux personnes, grandes, vaccinées et responsables qui nourrissent une obsession malsaine pour tout ce qui brûle. Je vous épargne les détails sur les repas de Noël où toutes les bougies, voire plus, y passent. Bien que je préfère me tenir à l’écart de tels énergumènes, je dois bien avouer que leur comportement m’échappe. Dois-je appeler la police ? Ou bien directement les services sociaux ? L’achat d’un poêle peut-il tout résoudre ? Tant que de questions existentielles. Je m’offre donc une psychothérapie à bas coût et une tentative de réconciliation familiale en incinérant moi-même des trucs dans Little Inferno.
Faisons simple, il n’y a pas d’objectif à proprement parler dans Little Inferno, hormis le fait de jeter des objets dans une cheminée, de les regarder cramer tranquillement, de récupérer le pognon généré pour finalement acheter d’autres machins à brûler. Il y a bien quelques interactions çà et là entre certains éléments qui créent des réactions en chaîne amusantes mais l’intérêt ludique reste relativement limité, ce qui ne gâche en rien les rictus malsains que peut vous octroyer le jeu à chaque nouvel achat balancé illico dans les flammes.
Si le gameplay se veut immédiat, c’est avant tout pour servir le propos. Tout l’enrobage de ce Little Inferno transpire le message mettant en garde contre le consumérisme excessif en poussant à l’extrême le modèle actuel dans une sorte de dystopie où l’on achèterait pour venir brûler immédiatement, ce qui ressemble étrangement à ce qui se passe déjà dans ma famille mais ne nous attardons pas sur ce détail. Les descriptions, lettres et autres textes sont d’ailleurs assez explicites sur cet aspect-là du titre, ce qui met régulièrement le joueur en face du plaisir même qu’il est train de prendre à faire frire tout ce qui lui passe sous la main. Néanmoins, la simplicité du gameplay réduit sûrement la portée du propos et fait rapidement poindre l’ennui.
A cet instant précis, deux catégories de joueurs émergent : ceux qui vont estimer, à raison, avoir fait le tour de Little Inferno et vont le fermer définitivement et ceux pour lesquels la lassitude va rendre le jeu beaucoup plus personnel. Un deuxième niveau de lecture apparaît alors, presque mélancolique où l’œil torve est remplacé par un regard absent, perdu dans la nostalgie alors que des souvenirs (bon, OK, des photos d’ex) crépitent dans l’âtre incandescent. Ce n’est alors plus la chaleur du foyer qui se ressent derrière l’écran mais bien la froideur du présent et du vide. Alors que j’observe mes proches approcher la flamme de tout ce qui est susceptible de s’embraser, je ne peux m’empêcher d’y voir une vaine tentative d’oublier la vacuité de la vie et le regret certain d’un temps où tout était facile. Ou alors c’est le simple plaisir de regarder des trucs cramer, qui sait ?