En 2002, j'ai joué Raiden pour la première fois.
Ca fait un bon moment... et pourtant je m'en souviens très bien. Pas uniquement du jeu. Lui, j'ai eu l'occasion de le refaire plusieurs fois et il est très frais dans ma mémoire, mais aussi de cette période de ma vie qui était pour le coup propice à la réflexion solitaire : l'adolescence.
Ouép... Raiden est un personnage qui dans MGS 2 m'a surpris, mais pas nécessairement dans le mauvais sens. Passé la déception des premières heures, j'ai été comme beaucoup de monde frappé par la mise en abîme de mon expérience de jeu au fil des pérégrinations du personnage. Pourtant, au bout du tunnel commençait à se profiler des indices de son émancipation. Raiden n'était plus une simple coquille amenée à servir de substitue au joueur, il s'apprêtait à subir le processus d'intronisation typique des productions Kojima. Son créateur l'enveloppa d'une seconde peau issue de la pop culture (en l'occurrence le sinistre Jack The Ripper) et, pif paf Kojimagie, une plus-value s'appliqua au regard des joueurs, la marque du "charisme" comme se plaisent à dire les fans du Monsieur. Mais pour Raiden, il était peut être déjà trop tard. La fourberie de son concepteur avait trop blessé les fans du serpent, et un fan... c'est rancunier.
Aujourd'hui Raiden revient et son rapport au joueur a bien changé. Il est désormais, grâce à son rôle dans MGS 4, totalement intégré dans la structure narrative de la série et son existence n'a plus rien de conceptuelle. La réflexion qui se dégage de MGS 2 se fait essentiellement sur la question du rôle, de la simulation, du rapport qu'entretient le joueur avec la machine et la fiction. MGR, non réalisé et scénarisé par Kojima perd-t-il toute cette dimension réflexive élaborée 10 ans auparavant autour de ce personnage jouable ? Je ne pense pas, bien que le style ait indéniablement changé.
Je pense plutôt que la "réflexion" s'est délocalisée sur la question du fun et en cela, j'estime que Platinium Games est le studio japonais le mieux placé pour enrichir ce niveau de lecture à l'heure actuelle. Jack est un monstre qui tue pour le plaisir, réduit en charpie l'adversité pour s'approprier du pouvoir mais refuse dans le même temps, de se regarder dans le miroir. Derrière tout le contexte politique/social/économique fort bien ancré dans les dialogues optionnels de ce MGR, se trouve quelque chose de plus simple, presque trivial mais viscéral : l'adrénaline. Le plaisir hyperactif de la démesure, de la violence et du gore que le joueur partage nécessairement avec le protagoniste. En cela, quand je joue à MGR je reviens un peu en arrière, dans mon adolescence, et je boucle ma démarche réflexive de jadis par une donnée qui n'était finalement qu'esquissée. Au final, Revengeance est un jeu bien moins con et prétentieux qu'il n'en donne l'impression et je ne peux que vous encourager à y jouer, malgré ses quelques faiblesses structurelles (qui a dit développement en dent de scie ?).
En 2013, je joue donc Raiden pour la seconde fois, et il s'agit sans l'ombre d'un doute, d'un personnage solide.